PARIS (Reuters) - Le gouvernement va débloquer quelque 750 millions d'euros de 2019 à 2022 pour désengorger les services des urgences, en grève depuis plus de six mois pour dénoncer des conditions de travail difficiles, a annoncé lundi le ministère de la Santé et des Solidarités.
La ministre, Agnès Buzyn, a présenté un plan en 12 points à l'issue d'une rencontre avec des représentants des personnels et des dirigeants hospitaliers, les syndicats de médecins libéraux et le collectif Inter-Urgences, à l'origine du mouvement qui réclame plus de postes et de lits pour soulager des services saturés.
"Ce plan est une véritable refondation et un repositionnement de nos services d'urgences", a dit la ministre devant la presse à l'issue de la rencontre.
Le plan repose "sur un renforcement de la proximité pour l'accès aux soins", "des modes de financements adaptés qui valorisent certaines organisations vertueuses", et "le numérique, qui doit faire partie maintenant du système de santé", a-t-elle précisé.
La moitié des fonds ira à la mise en place d'un service universel par téléphone ou en ligne - le service d'accès aux soins (SAS) - qui permettra d'obtenir un conseil médical de la part d'un professionnel de santé à toute heure, de prendre rendez-vous avec un médecin généraliste dans les 24 heures, d'être orienté vers un service d'urgence ou encore de se faire envoyer une ambulance.
Un concertation avec les acteurs du milieu est prévue, avec l'objectif de rendre le service opérationnel à l'été 2020.
FIN DU FINANCEMENT À L'ACTE
La ministre de la Santé veut en outre renforcer l'offre de consultations médicales sans rendez-vous en cabinet, maison et centre de santé. Cinquante nouvelles maisons médicales de garde seront installées à proximité des centres d'urgences les plus saturés.
Comme annoncé début septembre, le SAMU pourra conduire, dans certaines conditions, les patients vers les cabinets libéraux de ville plutôt qu'aux urgences. Des moyens seront également accordés aux hôpitaux pour permettre aux personnes âgées d'être traitées directement en service spécialisé.
Certaines pathologies seront prises en charge par des professionnels de santé non médecins. Les masseurs-kinésithérapeutes pourront ainsi traiter directement la traumatologie bénigne, comme une entorse à la cheville. Les pharmaciens et infirmiers feront des prescriptions simples.
Des infirmiers seront également formés en "pratique avancée" aux urgences pour poser un premier diagnostic, réaliser des sutures ou encore prescrire des actes d'imagerie.
Les urgences ne seront plus financées au nombre de passages enregistrés mais en fonction de la population que le service couvre, de ses caractéristiques socio-économiques, ainsi que de l'offre médicale libérale sur le territoire. Il sera également demandé à chaque groupement hospitalier de territoire (GHT) de mettre en place un dispositif de gestion des lits dès 2020.
Le plan limite par ailleurs le recours au travail intérimaire, coûteux pour le système. Il sera par exemple interdit pour un professionnel de santé de cumuler plusieurs emplois dans le secteur public au 1er semestre 2020.
LA CGT MANIFESTE MERCREDI
Débuté le 18 mars à l'hôpital parisien Saint-Antoine après un nouvel acte de violence envers les soignants, le mouvement de grogne du personnel des urgences s'est étendu depuis à d'autres sites en région parisienne et dans d'autres grandes villes.
Selon le collectif Inter-Urgences, 249 sites seraient actuellement en grève (195 selon le ministère).
Dans ce contexte, et à la veille de l'assemblée générale du collectif prévue mardi, les annonces d'Agnès Buzyn - qui s'ajoutent à celles dévoilées en juin puis le 2 septembre- seront scrutées de près.
"Il y a des bons trucs (...), des trucs avec lesquels on est d'accord. Mais sur l'application, ça va être très compliqué", a réagi sur BFMTV Patrick Pelloux, président de l'Association des médecins urgentistes de France. "Je ne vois pas où on va chercher ces fameux 750 millions avec un Ondam (objectif nationale des dépenses d'assurance maladie) qui est figé."
Le président d'Inter-Urgences Hugo Huon, avait estimé dans le JDD qu'il fallait qu'Agnès Buzyn "arrête de séparer la ville et l'hôpital pour régler le problème d'accès aux soins".
Pour la CGT, qui manifestera mercredi à Paris, les mesures "ne satisfont pas les professionnels" car elles ne seront visibles qu'à moyen terme.
(Marine Pennetier et Caroline Pailliez, édité par Elizabeth Pineau)