par Elizabeth Pineau
PARIS (Reuters) - Au premier étage de la Tour Eiffel, Thierry Marx dresse une assiette de poireaux braisés pour le dîner qui se prépare chez Madame Brasserie, le restaurant qu'il a ouvert cet été à 57 mètres au-dessus de Paris.
A 63 ans, le chef étoilé est connu du grand public pour sa participation à des émissions culinaires télévisées mais aussi pour ses engagements en faveur d'une cuisine respectueuse de l'environnement, qui fait la part belle aux légumes et aux produits locaux issus d'une agriculture responsable.
Un positionnement qui prend tout son sens en ces temps de réchauffement climatique, de pénurie énergétique et d'inflation galopante.
"Si vous étiez venus il y a 20 ans dans cette cuisine, ce serait la pleine chaleur, on attendrait le service du soir, toutes les plaques et les fours seraient allumés. Là aujourd'hui vous avez un air frais, la température du restaurant est à 19 degrés et tout va bien. Et quand on aura besoin de lancer de la production, on allumera au fur et à mesure", détaille-t-il.
Autour de lui, la quinzaine de cuisiniers sur la cinquantaine que compte le restaurant de 200 places prépare les plats à l'approche du premier service.
Une bouche d'aération apportant de l'air extérieur rafraîchit l'atmosphère, les casseroles à fond de cuivre fabriquées dans les Vosges permettent une cuisson peu gourmande en électricité pour réaliser des mets calculés au plus juste.
Tels ces fins poireaux, cuits en papillote pour économiser l'eau.
IMPACT CARBONE ET COÛT MAÎTRISÉS
"Un produit de saison cultivé à moins de 50 kilomètres d'ici. On l'a simplement cuit dans son eau, car un poireau c’est 80% d'eau, on va le passer à la flamme, le décortiquer et le servir avec une vinaigrette à l'huile d’olive", dit le chef en saupoudrant le plat de "petites pousses d'herbes qui viennent d’un jardin bio du 20e arrondissement de Paris, livrées à vélo".
"C'est simple, l'impact carbone et le coût sont maîtrisés", résume Thierry Marx.
Sur le menu proposé aux clients français et aux touristes étrangers déjà installés dans la grande salle vitrée avec vue sur le Trocadéro : des vol-au-vent truffés, du pâté en croûte, du bar à la salicorne de Bretagne, de la purée de choux-fleurs, des babas, de la mousse au chocolat.
Les menus ont été ajustés pour ne pas augmenter les prix malgré l'envol du coût des matières premières - plus 50% pour le beurre par exemple.
"On n'a pas pléthore de produits qui nous feraient utiliser beaucoup de logistique de livraison et du froid, ce qui est extrêmement polluant. On fait du compost, on travaille sans gaspillage", dit le chef.
Pour montrer l'exemple en ces temps de pénurie, la Tour Eiffel, visitée chaque année par près de sept millions de personnes, s'éteint à 23h45 au lieu d'une heure du matin depuis le 23 septembre, obligeant Madame Brasserie à fermer dix minutes plus tôt, vers 23h20.
Les contraintes ne sauraient décourager la profession à prendre le virage "vert" indispensable, pense Thierry Marx, candidat à la présidence de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (UMIH), premier syndicat du secteur qui compte environ 220.000 établissements.
"Il n'y a plus aujourd'hui un restaurateur ni un hôtelier qui n'ait envie de faire cette transition", assure-t-il à l'approche du vote, le 27 octobre.
(Reportage Elizabeth Pineau, édité par Sophie Louet)