Les grandes banques américaines ont rassuré sur leur exposition au secteur énergétique au terme d'un premier trimestre difficile, qui a néanmoins confirmé leur solidité financière huit ans après la crise financière, selon les experts.
JPMorgan Chase (529 millions de dollars), Wells Fargo (500 millions), Bank of America (525 millions) et Citigroup (233 millions), soit les quatre premières banques américaines en termes d'actifs, ont augmenté de 1,8 milliard de dollars à fin mars leurs réserves destinées à couvrir de mauvaises créances liées à l'énergie
La banque d'affaires Morgan Stanley (NYSE:MS) n'a inscrit dans ses comptes qu'une provision de 127 millions de dollars liée à des impayés et diminué son exposition totale de 1 milliard de dollars.
Quant à sa rivale Goldman Sachs, son exposition à l'énergie n'a augmenté que de 100 millions de dollars.
"Les risques liés au secteur énergétique sont peut-être derrière nous", analyse Jack Ablin chez BMO Private Bank.
"On a l'impression que ce n'est pas aussi grave que l'effondrement des prêts hypothécaires en 2008", renchérit Erik Oja chez S&P Capital IQ.
Le secteur bancaire américain a financé à coup de milliards de dollars le boom des gaz et pétrole de schiste à compter de 2009.
Mais le plongeon de plus de 60% des prix de l'or noir et du gaz naturel au printemps 2014 a fait craindre une cascade de faillites des sociétés d'extraction et d'exploitation pétrolière et gazière.
- Délocalisations et licenciements -
A ces banqueroutes viendraient s'ajouter des défauts de paiement des employés des zones pétrolières (Alaska, Houston, Oklahoma...) qui, faute d'emploi, ne pourraient plus rembourser leurs crédits à la consommation, prêts immobiliers et crédits auto.
"Les défauts de paiements des consommateurs dans les régions dépendant du pétrole ont augmenté mais ils sont grosso modo en ligne avec ce qu'on observe dans les communautés non pétrolières", a assuré John Shrewsberry, le directeur financier de Wells Fargo, qui fournit un prêt sur cinq aux Etats-Unis.
En plus, les crédits accordés au secteur énergétique ne représentent que de 2 à 3% des portefeuilles des prêts, assurent les six fleurons de Wall Street, qui sont également en train de réévaluer les actifs (puits, gisements...) garantissant les lignes de crédits, ce qui pourrait déboucher sur des annulations de lettres de créances et des demandes de remboursements anticipés.
Pour Gregori Volokhine chez Meerschaert Financial Services, les banques "sont en train de dire que leur exposition est maîtrisable" et c'est d'autant plus rassurant que leurs bilans ont été assainis par les tests de résistance (stress tests) imposés depuis 2010 par la réforme financière Dodd-Frank.
"Le pétrole est le premier gros test pour mesurer la qualité du crédit depuis 2008. Mais, contrairement à cette époque, les banques sont mieux capitalisées maintenant", avance M. Oja.
Si les grandes banques américaines sont solides, les comptes du premier trimestre confirment en revanche que leur rentabilité est affectée par l'exigence d'avoir des fonds propres importants et de limiter les activités risquées.
La rentabilité du titre (RoE) de Goldman Sachs, historiquement banque la plus rentable, a été divisée par plus de deux en un an à 6,4%. Or une banque est une bonne affaire pour des actionnaires quand le RoE est à 10% au moins, fait valoir M. Volokhine.
La conjoncture morose et les politiques de taux d'intérêt bas "signalent que les bénéfices vont stagner en 2016", argue Erik Oja.
Les seuls leviers sont l'activité de prêts aux entreprises et aux particuliers américains et des réductions de coûts.
Certaines banques (JPMorgan, Bank of America, Citigroup et Wells Fargo) continuent de supprimer des emplois et de diminuer leurs frais généraux tandis que d'autres délocalisent de plus en plus leurs salariés dans des villes pas chères. C'est le cas de Morgan Stanley (40% des employés redéployés) et Goldman Sachs (25%).
"Les banques ne sont plus un secteur à forte croissance", résume Gregori Volokhine.
Au total, les six grandes banques américaines ont gagné 18,94 milliards de dollars au premier trimestre, en baisse de 24% sur un an.