PARIS/BERLIN (Reuters) - La crise liée à l'épidémie de coronavirus ne facilitera pas le Brexit mais ne modifie pas les priorités européennes sur les négociations en cours visant à parvenir à un accord sur les relations futures entre le Royaume-Uni et ses partenaires européens, estiment vendredi les gouvernements allemand et français.
La Grande-Bretagne est formellement sortie de l'UE le 31 janvier dernier mais sans conséquence dans l'immédiat, puisque le pays est entré dans une période de transition durant laquelle il demeure soumis aux règles et obligations communautaires, le temps de négocier les futurs arrangements et d'éviter une sortie "sèche".
Cette période s'achève à la fin de l'année et les négociateurs britanniques et européens continuent à discuter, même si la crise liée au coronavirus mobilise les exécutifs sur d'autres sujets prioritaires et nourrit les doutes qui existaient déjà sur la capacité des deux parties à s'entendre dans le délai imparti.
Le négociateur européen en chef, Michel Barnier, qui rendait compte vendredi du deuxième "round" de discussions, a reconnu qu'il n'y avait guère eu d'avancée tangible et qu'il n'était pas question pour l'UE d'accepter des progrès sur un nombre limité seulement de dossiers liés à la négociation.
"Le Royaume-Uni ne peut pas imposer ce calendrier très serré de négociations et, dans le même temps, ne pas bouger, ne pas progresser sur certains sujets qui sont importants pour l'Union européenne", a-t-il dit.
Une décision devra être prise d'ici la fin du mois de juin sur la nécessité ou non de prolonger la période de transition, a dit Michel Barnier tout en reconnaissant que Londres en rejetait invariablement la possibilité.
L'horloge tourne plus vite que jamais, a-t-il souligné.
Le gouvernement britannique a également reconnu que les avancées étaient pour le moment timides.
"Nous avons eu un cycle de négociations complet et constructif, mené à distance par visioconférence, avec beaucoup de discussions sur toutes les questions, sur la base des textes juridiques détaillés fournis par les deux parties ces dernières semaines", a commenté une porte-parole du gouvernement dans un communiqué. "Des progrès limités ont été accomplis pour combler nos divergences", a-t-elle ajouté.
"LES BRITANNIQUES ONT LA CLEF"
Le chef de la diplomatie allemande, Heiko Maas, dont le pays assurera la présidence tournante de l'UE au second semestre, a convenu vendredi que la pandémie ne faciliterait pas les choses.
Pour autant, a-t-il ajouté, "dire si je pense qu'une extension des négociations du Brexit et des échéances fixées à la fin de l'année dernière serait ou non une bonne chose serait inutile puisque le gouvernement britannique rejette cette option et l'a clairement dit la semaine dernière".
L'Allemagne, a-t-il poursuivi, tâchera de faire en sorte que sa présidence de l'UE garantisse un "bon résultat" pour les Européens comme pour le Royaume-Uni.
A Paris, la secrétaire d'Etat chargée des Affaires européennes, Amélie de Montchalin, a déclaré vendredi lors d'une audition au Sénat que les priorités de l'Europe dans ces négociations étaient "inchangées" et qu'une sortie sans accord serait un "choc" dont les Britanniques auraient le plus à redouter.
Les Européens, a-t-elle rappelé, réclament notamment des règles du jeu équitables entre le Royaume-Uni et le marché intérieur pour assurer une concurrence loyale et des dispositions précises sur la gouvernance, sur la pêche et sur les conditions commerciales.
"Nous sommes sur ces quatre points-là absolument d'accord à Vingt-Sept qu'il ne peut pas y avoir d'accord si nous ne trouvons pas les conditions pour avancer", a-t-elle dit au lendemain d'un conseil européen en visioconférence dont, signe des temps, le compte rendu ne mentionne pas un dossier qui a monopolisé les esprits pendant des mois et des mois.
"Il faut avoir en tête que la négociation est importante mais ce sont les Britanniques qui ont la clef de son déroulé (...) Nous pensons qu'il est important de donner ses chances aux négociations mais un choc supplémentaire lié au Brexit dans le contexte actuel de crise serait bien sûr observé, mais les Britanniques sont vraiment ceux qui en souffriraient le plus", a-t-elle ajouté.
(Michelle Martin à Berlin, Michel Rose à Paris et Philip Blenkinsop à Bruxelles; Version française Henri-Pierre André et Claude Chendjou)