par David Stanway
SHANGHAI (Reuters) - Aucun élément factuel ne permet d'étayer les théories selon lesquelles le nouveau coronavirus trouve son origine dans le laboratoire P4 de l'Institut de virologie de Wuhan, a assuré à Reuters le directeur de ce centre de recherche, en précisant que l'émergence de la pandémie en cours reste encore mystérieuse.
Des médias américains ont rapporté mi-avril que le SARS-CoV-2 - le nom scientifique du nouveau coronavirus désormais responsable de plus de 200.000 décès à travers le monde - avait été synthétisé au sein du laboratoire P4 de l'Institut de virologie de Wuhan.
Ce centre de recherches, fruit d'un accord conclu en 2004 entre Paris et Pékin sur la prévention et la lutte contre les maladies infectieuses, est basé dans la ville où a émergé en décembre dernier le nouveau coronavirus, responsable d'une flambée épidémique qui concerne désormais la quasi-totalité des pays de la planète.
En dépit du consensus scientifique et des démentis émanant notamment de l'OMS et des autorités françaises, cette hypothèse a gagné du terrain, alimentant les théories du complot.
Le président des Etats-Unis Donald Trump a annoncé le 15 avril que son administration menait une enquête pour tenter de déterminer l'origine du virus et ses modalités de propagation, en prévenant que la Chine devrait faire face à des conséquences s'il s'avérait qu'elle avait été "sciemment responsable" de la pandémie actuelle.
Pour Yuan Zhiming, professeur à l'Institut de virologie de Wuhan et directeur du laboratoire national de biosécurité P4, ces allégations "malveillantes" ont été "inventées de toutes pièces" et sont contredites par l'ensemble des preuves existantes.
"L'Institut de virologie de Wuhan n'a ni la volonté ni les capacités de concevoir et de développer un nouveau coronavirus", a-t-il écrit en réponse à des questions de Reuters.
"De plus, il n'existe aucune information au sein du génome du SARS-CoV-2 suggérant qu'il est le fruit d'une manipulation humaine."
THÉORIES COMPLOTISTES
Certaines théories du complot sur le sujet ont été alimentées par un article de l'Institut de technologie indien - depuis retiré - qui suggérait que des protéines de l'enveloppe du coronavirus présentaient une "étrange ressemblance" avec celles de l'enveloppe virale du VIH.
La plupart des chercheurs s'accordent pourtant à penser que le SARS-CoV-2 a une origine animale, les hôtes intermédiaires ayant favorisé la transmission à l'homme étant vraisemblablement le pangolin et la chauve-souris.
"Plus de 70% des maladies infectieuses émergentes sont issues des animaux, en particulier les animaux sauvages", souligne Yuan Zhiming.
"Au cours des années, nous avons constaté des risques croissants liés aux contacts entre hommes et animaux sauvages, sous l'effet du changement climatique à l'échelle mondiale et de l'expansion continue des activités humaines", explique-t-il.
Au-delà du SARS-CoV-2, la demi-douzaine de coronavirus susceptibles de contaminer l'homme - parmi lesquels figurent quatre virus à l'origine de rhumes sans gravité mais aussi celui responsable du Syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) ou encore celui responsable du MERS, le syndrome respiratoire du Moyen-Orient - trouvent leur origine chez les chauves-souris, les souris ou des animaux domestiques, selon les chercheurs.
Yuan Zhiming a également écarté les théories selon lesquelles le laboratoire aurait accidentellement libéré un coronavirus isolé chez des chauves-souris à des fins de recherche, en assurant que les procédures de biosécurité étaient rigoureusement respectées.
"Les laboratoires de biosécurité maximale disposent d'installations protectrices sophistiquées et de protocoles stricts pour s'assurer de la sécurité des équipes et protéger l'environnement des contamination", explique-t-il.
Les installations dites "P4" sont conçues pour disposer d'un niveau de sécurité leur permettant de travailler sur des pathogènes du groupe 4, c'est-à-dire des agents biologiques associés à un risque élevé de propagation et susceptibles de provoquer des infections grave chez l'homme.
Le directeur du laboratoire P4 de Wuhan a assuré que son institut était déterminé à faire preuve de transparence et partagerait l'ensemble des données disponibles sur le nouveau coronavirus en temps voulu.
Mais l'identification de l'origine du nouveau coronavirus s'annonce difficile, prévient Yuan Zhiming.
"Retracer l'origine du virus représente un défi scientifique, avec beaucoup d'incertitudes", observe-t-il.
"J'espère que chacun mettra de côté ses préjugés et ses partis pris afin de fournir un environnement rationnel pour les recherches visant à identifier l'origine du virus."
(Version française Myriam Rivet, édité par Henri-Pierre André)