Les difficultés de Petroplus illustrent une nouvelle fois la crise qui secoue depuis des années le secteur du raffinage français et européen, victime d'une surcapacité chronique qui pousse les exploitants de raffinerie à vendre ou fermer leurs installations.
Le pétrole, qu'il soit extrait au Moyen-Orient, en Mer du Nord ou ailleurs, est toujours raffiné (opération qui permet d'en tirer de l'essence, du gazole, du fioul et autres produits pétroliers) là où sont les consommateurs. Ce qui oblige les groupes pétroliers à adapter leurs infrastructures aux évolutions de la demande locale.
Or, "la consommation subit une baisse structurelle en France et en Europe, et le marché est en surcapacité. Tous les opérateurs sont donc en train de fermer des raffineries en Europe et d'en ouvrir là où est la croissance, c'est à dire en Asie", explique à l'AFP François Pouzeratte, spécialiste de l'énergie au sein du cabinet de conseil Eurogroup.
Le recul de la consommation de produits pétroliers sur le Vieux continent est elle-même liée à un faisceau de facteurs, dont les préoccupations environnementales et les réglementations anti-pollution de plus en plus contraignantes.
Le phénomène s'est accéléré avec la crise économique et la flambée des cours du pétrole brut en 2008, qui pousse les particuliers et les industriels à réduire leur consommation.
Conséquence de la surcapacité du secteur, qui fait fondre les marges des opérateurs, "le raffinage français a perdu 800 à 900 millions d'euros en 2009, et devrait en perdre autant en 2011", souligne Jean-Louis Schilansky, président de l'Union française des industries pétrolières.
Résultat, les groupes pétroliers réduisent la voilure les uns après les autres, cédant ou fermant des installations.
La France ne compte ainsi plus que d'une dizaine de raffineries, dont deux en sursis : celle de Petit-Couronne, mise à l'arrêt lundi par Petroplus à cause de ses problèmes de liquidités, et la raffinerie de Berre-l'Etang, dans les Bouches-du-Rhône.
Cette dernière, qui appartient au groupe américain LyondellBasell, doit être mise en sommeil ce mois-ci jusqu'à la fin 2013, dans l'attente d'une éventuelle alternative à sa fermeture.
Selon les calculs de l'UFIP, la capacité de raffinage française, qui s'élevait à 98 millions de tonnes de pétrole brut par an en 2009, pourrait tomber autour de 70 millions en cas de fermeture définitive de Petit-Couronne et Berre-l'Etang, soit une chute de plus d'un quart.
Et le phénomène ne risque pas de s'inverser, prévient M. Pouzeratte, car "il n'y aura pas de rebond de la consommation de pétrole" dans les prochaines années, du fait notamment du développement des véhicules électriques, qui pourraient se substituer à terme aux véhicules classiques.
Les grandes "majors" européennes du pétrole se sont déjà fortement désengagées du raffinage, notamment Total (qui a fermé en 2010 la raffinerie des Flandres et cherche à vendre son site anglais de Lindsey), ou Shell qui a vendu en deux ans ses installations de Heide et Hambourg (Allemagne), Göteborg (Suède) et Stanlow (Royaume-Uni).
Mais la nouveauté est que ce sont désormais les repreneurs de sites gérés autrefois par des majors qui connaissent à leur tour des difficultés. C'est notamment le cas de Petroplus, qui avait racheté en 2007 Petit-Couronne et Reichstett (Bas-Rhin) à Shell, et a déjà fermé le site alsacien l'an dernier, ou encore de Berre-l'Etang, ex-raffinerie de Shell reprise en 2008 par LyondellBasell.
En effet, là où les "majors" pouvaient compenser les pertes subies dans le raffinage grâce à d'autres activités très rentables, comme la production de pétrole brut, "les petites raffineries sont très fragiles et elles ont tendance à disparaître", résume Constancio Silva, économiste à l'Institut français du pétrole et des énergies renouvelables.