Des centaines de producteurs laitiers ont envahi lundi Bruxelles et aspergé de lait le Parlement européen pour protester contre la baisse des prix qui menace, selon eux, "la survie de milliers d'exploitations" dans toute l'Europe.
Actionnant klaxons et sirènes, quelque 800 tracteurs sont entrés dans Bruxelles à la mi-journée après avoir roulé jusqu'à 1.000 km pour certains agriculteurs venus de Pologne. Ils ont ensuite éteint leur moteur au milieu de plusieurs axes stratégiques du quartier européen de Bruxelles, qu'ils entendaient paralyser jusqu'à mardi en début d'après-midi.
"En rassemblant plus de 800 tracteurs, nous avons réussi notre opération de force. Mais ce n'est que le début de la mobilisation: la révolte paysanne gronde", a déclaré l'un des organisateurs de la manifestation, le Belge Erwin Schopges. "Des milliers d'exploitations ont déjà disparu et des milliers d'autres sont menacées dans toute l'Europe", selon lui.
L'appel avait été lancé par la confédération des organisations de producteurs de lait de 14 pays européens, l'European Milk Board (EMB), car "il y a le feu sur le marché du lait".
Pour montrer spectaculairement leur colère comme ils en ont l'habitude lorsqu'ils manifestent à Bruxelles, des agriculteurs ont utilisé de puissantes lances pour asperger de lait les façades des bureaux du Parlement, où les eurodéputés débattaient de la réforme de la Politique agricole commune (PAC). Quelque 15.000 litres de lait ont ainsi blanchi les murs mais aussi les policiers qui protégeaient, avec des gaz lacrymogènes, les accès au Parlement.
"Notre situation est de plus en plus mauvaise", témoigne Krzysztof Pogorzelski, un responsable syndical polonais ayant roulé deux jours sur son tracteur pour rallier Bruxelles. "Les prix de vente ne cessent de baisser alors que nos coûts de production continuent d'augmenter", résume-t-il, en établissant un parallèle avec la grave crise laitière des années 2008-09.
En moyenne, le paysan européen vend le litre de lait 27 cents alors qu'il lui coûte 40 cents à produire, soit un déficit de 13 cents, selon l'EMB.
"C'est bien simple: le lait ne me permet pas de vivre. Si je continue, c'est grâce aux aides européennes. Or, la réforme de la PAC prévoit de les réduire fortement. Si cela se réalise, il n'y aura plus de petites et moyennes exploitations d'ici cinq ans", prédit Léopold Gruget, qui élève une centaine de vaches dans les Ardennes françaises.
Sur son tracteur, ce jeune agriculteur de 23 ans, a accroché un drap blanc où il a écrit "ras-le-bol" en lettres rouges.
Le projet de réforme de la PAC pour la période 2014-2020 fait actuellement l'objet de vives discussions au niveau européen. La Commission a proposé de baisser le budget de la PAC de 420,6 milliards d'euros sur la période 2007-2013 à 386 milliards. Plusieurs pays demandent d'aller encore plus loin, ce à quoi s'oppose notamment la France.
Le secteur laitier est en outre confronté à une grande mutation puisque l'UE a décidé de supprimer les quotas laitiers en 2015. Cette évolution oblige la filière laitière à évoluer d'une structure très administrée à une logique de contrats entre industriels et producteurs, ce qui est suscite des réticences plus ou moins marquées selon les pays.
Venu apporter son soutien aux manifestants, l'eurodéputé écologiste José Bové a appelé les gouvernements et la Commission européenne à "saisir la gravité de la situation: si la réforme de la PAC n'apporte pas de solutions durables, il y aura demain deux fois moins de paysans".