PARIS (Reuters) - La ministre du Travail, Muriel Pénicaud, a donné vendredi le coup d'envoi à la réforme de l'apprentissage avec une première séance de discussions qui a illustré le bras de fer entre les branches et les régions pour la gouvernance du dispositif.
Le gouvernement a mis sur pied quatre groupes de travail pour établir un diagnostic sur le fonctionnement de l'apprentissage, un secteur qui coûte 8,2 milliards d'euros aux entreprises aux régions et à l'Etat, et proposer des pistes de réforme d'ici fin janvier 2018.
Chapeautés par Sylvie Brunet, membre du Conseil économique social et environnemental, ils tableront sur le parcours et le statut de l'apprenti, l'organisation des centres de formation, l'organisation des diplômes et le mode de financement.
Pour Muriel Pénicaud, la transformation de l'apprentissage est "une mission d'intérêt général".
"Il y a 1,3 millions de jeunes dans notre pays qui sont sans emploi, sans qualification, qui ne sont plus à l'école (...) C'est évidemment un gâchis humain énorme", a-t-elle dit à l'issue de la concertation.
Elle était accompagnée par la ministre de l'Enseignement supérieur, Frédérique Vidal, et le ministre de l'Education nationale, Jean-Michel Blanquer.
"L'objectif commun c'est de lutter contre chômage et pour l'insertion professionnelle des jeunes au moment même où nous observons que la reprise économique fait qu'il y a des opportunités", a dit Jean-Michel Blanquer, qui dit réaliser qu'il existe en ce moment une inadéquation entre les formations dispensées et les besoins des entreprises.
Conscient qu'un des freins principaux à l'apprentissage est la mauvaise image dont cette voie de formation pâtit dans les collèges et les lycées, il a lancé mercredi une mission pour améliorer son attractivité au sein de l'Education nationale.
"UNE RÉGRESSION CONSIDÉRABLE"
Si l'ensemble des acteurs s'entendent sur la nécessité de faciliter le recours à l'apprentissage, ils se disputent la gouvernance et le financement du système.
Les régions, notamment, pourraient voir l'intégralité de la portion de la taxe d'apprentissage qu'elles touchaient pour financer la formation initiale (51% de la taxe d'apprentissage) reversé aux branches professionnelles, selon des informations publiées dans le journal Les Echos jeudi dernier.
Muriel Pénicaud n'a pas souhaité commenter cette proposition. Mais elle précise que "tous les pays qui ont réussi une grande filière d'apprentissage du CAP à l'ingénieur, sont tous des pays qui ont mis l'entreprise (...) au coeur du système".
Pour les régions, il s’agirait là "d’une régression considérable".
Elles ont fait savoir dans un communiqué que l'apprentissage devait s'inscrire dans la politique globale de "formation" et de "développement économique" des territoires. Elles estiment également qu'elles apportent une gestion "égalitaire" et "équitable" pour les apprentis.
Pour la ministre, il ne faut pas "rentrer dans des débats purement défensifs et institutionnels".
"La réussite de la concertation reposera sur cette ouverture des uns et des autres à tenir compte de l'ensemble du potentiel de réussite de l'ensemble des organismes", a-t-elle dit.
Un avis que partagent les organisations patronales. "Il s'agit de faire fonctionner l'apprentissage", a dit François Asselin, le président de la CPME (Confédération des PME).
Pour le Medef, il ne s'agit pas d'écarter les régions. La responsable de la formation au sein l'organisation patronale, Florence Poivey, estime qu'entreprises et branches doivent se retrouver au coeur du système mais "dans une co-construction" avec les autres acteurs.
"On a une cible et une ambition partagée et on voit comment de façon pragmatique on se met au service de cette ambition qui est la performance de nos entreprises et la sécurisation des jeunes", a-t-elle dit.
(Caroline Pailliez, édité par Yves Clarisse)