par Gianluca Semeraro
MILAN/PARIS (Reuters) - Le français Essilor, numéro un mondial de l'optique ophtalmologique, et l'italien Luxottica, premier fabricant mondial de montures de lunettes, ont annoncé lundi une fusion pour créer un nouveau géant du secteur, provoquant l'envolée des deux groupes en Bourse.
Cette opération prendra la forme d'un absorption de Luxottica par Essilor.
"Avec cet accord, mon rêve de créer un acteur international de premier plan de l'optique, complètement intégré et cultivant l'excellence dans toutes ses composantes, se concrétise enfin", déclare dans un communiqué Leonardo Del Vecchio, le président exécutif, fondateur et premier actionnaire de Luxottica.
"Enfin, après 50 ans, deux produits qui se complètent naturellement, les montures et les verres, seront enfin conçus, fabriqués et distribués par la même maison", ajoute celui qui doit, selon l'accord, devenir PDG du nouveau groupe "EssilorLuxottica".
La holding familiale de l'Italien, âgé de 81 ans, devrait, à l'issue de l'opération, détenir entre 31% et 38% du nouvel ensemble mais ses droits de vote, comme ceux de tout autre actionnaire, seront plafonnés à 31%.
Le PDG d'Essilor, Hubert Sagnières, deviendra lui vice-président directeur général délégué d’EssilorLuxottica avec les "mêmes pouvoirs" que Leonardo Del Vecchio.
Les investisseurs ont plébiscité le rapprochement des deux groupes, dont la valorisation boursière conjointe atteignait déjà 46 milliards d'euros avant l'annonce de leur fusion.
Pour François Chaulet, un gérant à Montségur Finance qui détient des titres d’Essilor, l'opération vise à "préserver les marges dans l’avenir, et avoir une position de dominance," a-t-il confié à Reuters.
A 9h55, l'action Essilor s'adjugeait 13,22% à 115,6 euros tandis que Luxottica bondissait de 8,25% à 53,65 euros.
L'alliance de Luxottica, qui produit notamment sous les marques Oakley et Ray Ban, et d'Essilor, qui fabrique entre autres les verres progressifs Varilux, créera une entité de plus de 140.000 employés dotée d'un chiffre d'affaires d'environ 15 milliards d’euros, rapportent les deux entreprises.
Ces dernières estiment que le nouveau groupe devrait générer progressivement des synergies entre 400 et 600 millions d’euros à moyen terme.
Le marché mondial des lunettes, en forte croissance, était évalué à 100 milliards de dollars environ (94 milliards d'euros) en 2015 par la société de conseil américaine Grand View Research. Ce marché est en croissance en raison du vieillissement de la population et d'une attention croissante portée aux problèmes liés à la vue.
DIVERGENCES DE VUE
Techniquement, la holding familiale Delfin apportera sa participation de 62% à Essilor contre des actions nouvelles émises par le groupe français sur la base d'une parité d'échange de 0,461 action Essilor pour une action Luxottica.
Dans un deuxième temps, Essilor lancera une offre publique d'échange obligatoire sur l'ensemble du capital de Luxottica afin de retirer cette dernière de la Bourse.
Luxottica a été affecté ces dernières années par des difficultés de management, ce qui a suscité des interrogations sur la stratégie de Leonardo del Vecchio ainsi que sur sa succession.
Le groupe milanais a annoncé en janvier 2016 le départ de son troisième patron en 17 mois avec la démission de l'administrateur délégué Adil Mehboob-Khan, un ancien dirigeant de Procter & Gamble. Leonardo del Vecchio avait alors renforcé son contrôle sur le groupe en prenant les pouvoirs exécutifs.
Andrea Guerra, qui a dirigé le groupe au quotidien pendant plusieurs années, a quitté Luxottica en 2014 après un différend avec Leonardo del Vecchio. Son successeur, Enrico Cavatorta, est parti après six semaines seulement, également en raison de divergences de vue avec le fondateur.
Le fabricant de montures a revu à la baisse sa prévision de résultat 2016 en juillet dernier, en évoquant l'incertitude sur les marchés.
En septembre 2014, Luxottica avait dit qu'un rapprochement avec Essilor avait été exploré 18 mois auparavant mais n'avait pas été mené à bien, les conditions n'étant pas réunies. A l'époque, Luxottica avait notamment cité des problèmes de gouvernance.
En mars et avril 2016, Luxottica avait démenti des informations de presse évoquant un éventuel rapprochement avec Essilor ou avec l'allemand Carl Zeiss, expliquant que la seule relation avec ces deux industriels était qu'ils faisaient tous deux partie de ses fournisseurs.
(Avec Paola Arosio et Sudip Kar-Gugpta; Danielle Rouquié et Julien Ponthus pour le service français, édité par Jean-Michel Bélot)