Doper la croissance tout en répondant à l'urgence climatique: les grands argentiers du globe réunis à Lima s'attaquent jeudi à cette difficile équation sur fond d'incertitudes persistantes sur l'économie planétaire.
Sous un ciel bas, ministres des Finances et banquiers centraux affluent depuis plusieurs jours dans la capitale péruvienne pour l'assemblée générale FMI-Banque mondiale même si c'est vers un autre pays, la Chine, que leurs regards sont braqués.
La deuxième puissance économique mondiale devrait connaître cette année sa plus faible croissance en 25 ans, faisant trembler la cohorte de pays émergents (Brésil, Afrique du Sud...) qui dépendent étroitement de l'appétit du géant asiatique pour les matières premières.
"Ce qui se passe en Chine a des répercussions sur la planète tout entière", avait prévenu le Fonds monétaire international mardi, reléguant à l'arrière-plan la crise grecque et ses menaces pour la zone euro.
Grands exportateurs de minerais et de pétrole, les pays d'Amérique latine, d'Afrique ou d'Asie ont beaucoup à perdre d'autant que le prochain changement de cap monétaire américain pourrait, par une réaction en chaîne, les priver d'argent frais.
- 'Ne vous inquiétez pas' -
Les yeux du globe fixés sur elle, la Chine a tenté de calmer le jeu.
"Ne vous inquiétez pas. La Chine aura toujours une croissance moyenne à élevée dans un futur proche", a déclaré mercredi Yi Gang, le vice-gouverneur de la banque centrale chinoise lors d'un des innombrables colloques du grand raout péruvien.
"Beaucoup de personnes parlent du ralentissement de l'économie chinoise mais en termes de volume, les importations chinoises de matières premières continuent de croître régulièrement", a-t-il soutenu.
Ces assurances seront-elles suffisantes?
La question agitera les ministres des Finances des puissances industrialisées et émergentes du G20 qui se retrouvent jeudi soir et livreront leur diagnostic vendredi, dans un quartier de Lima entièrement bouclé par des checkpoints.
Les manifestants qui protestaient mercredi à Lima contre la manière dont la Banque mondiale classe les pays ont ainsi été maintenus loin des yeux des grands argentiers du monde.
- Pour une taxe carbone -
Les tourments chinois ne seront pas leur seul sujet de préoccupation. A deux mois de la conférence du climat de Paris, la lutte contre le réchauffement de la planète et ses moyens de la financer sont également dans tous les esprits.
L'OCDE a révélé que près de 62 milliards de dollars avaient été réunis fin 2014 pour le fonds de 100 milliards de dollars par an que la communauté internationale s'est engagée à mettre sur pied d'ici à 2020.
"On observe une dynamique à la hausse, objectivement c'est assez réconfortant", a déclaré à l'AFP le ministre français des Finances Michel Sapin, rappelant que l'argent est "l'élément bloquant" sur ce dossier.
Pour atteindre cet objectif alors que les finances des Etats sont sous pression, la directrice générale du FMI a appelé à activer le levier fiscal.
"C'est simplement le bon moment pour introduire une taxe carbone", a plaidé mercredi Christine Lagarde, assurant que cela permettrait par ailleurs aux Etats de constituer "des matelas de sécurité pour combattre la prochaine crise".
Michel Sapin a également pointé le rôle "crucial" que devront jouer les banques multilatérales telles que la Banque européenne d'investissement (BEI) ou la Banque africaine de développement (BAD).
"Nous aurons besoin de milliers de milliards de dollars", a prévenu pour sa part le président de la Banque mondiale Jim Yong Kim.
Les deux dirigeants des institutions de Bretton Woods tiendront jeudi leurs conférences de presse donnant formellement le coup d'envoi de leur assemblée générale, la première à se tenir en Amérique du Sud en près de 50 ans.
Leurs prescriptions pour l'économie mondiale seront scrutées avec soin dans un sous-continent qui attend beaucoup de l'accord commercial TPP conclu lundi entre 12 pays de la région Asie-Pacifique, dont le Pérou, les Etats-Unis et le Japon.
"Raviver le commerce est un élément essentiel" d'un renforcement de la croissance, avait estimé au début de semaine Mme Lagarde.
Fait rarissime, une petite touche people viendra se frayer une place au milieu des colloques sur la politique monétaire ou l'économie mondiale: l'acteur américain Sean Penn est attendu jeudi à Lima pour évoquer son engagement humanitaire à Haïti.