La grève à la SNCM s'est envenimée ces derniers jours à Marseille et surtout en Corse après 10 jours d'un conflit sans issue en vue, qui plombe plus sérieusement encore la situation financière de la compagnie maritime en difficulté.
Le mouvement entamé le 24 juin à l'initiative de tous les syndicats, à l'exception du Syndicat des travailleurs corses (STC), n'a pas faibli: aucun des huit navires de la société n'a transporté le moindre passager vers ou au départ de la Corse ou du Maghreb, et la CGT, qui a reconduit la grève jeudi, promet même de "nouvelles actions".
"Les conditions d'exploitation ne sont pas réunies pour qu'il puisse y avoir une sortie du conflit", a encore affirmé vendredi matin le secrétaire général de la CGT Thierry Leapon sur France Info, dénonçant "un saccage de la part de ce gouvernement de la continuité territoriale entre la Corse et le continent".
Les grévistes dénoncent les "trahisons" de l'Etat, actionnaire à 25%, qui a renoncé au plan de relance industriel, passant notamment par la commande de quatre nouveaux navires, auquel il avait donné son feu vert au printemps.
L'actionnaire principal, Transdev (60%), n'a, lui, jamais cru à ce plan, qu'il juge irréaliste, d'autant que l'entreprise est sous la menace du remboursement de 440 M EUR d'aides publiques jugées indûment perçues par Bruxelles.
Les marins CGT ont donné un tour spectaculaire à leur combat mardi, en bloquant à quai au port de Marseille un des trois navires de La Méridionale. Ce cargo mixte (fret-passagers) arrivait le matin de Bastia et devait repartir le soir-même pour le port corse. Il n'a pas bougé depuis.
La Méridionale, co-délégataire avec la SNCM du service public vers la Corse, a donc décidé mercredi de dérouter ses deux autres navires vers Toulon, "aucune garantie de sécurité n'étant établie sur le port de Marseille", selon son directeur marketing Laurent D'hoorne. Les compagnies de croisières, à l'origine d'une importante manne financière pour Marseille, ont elles aussi décidé de faire débarquer ailleurs leurs passagers.
- 500.000 euros de pertes par jour -
En vertu d'un accord avec la SNCM, La Méridionale récupère certains de ses clients empêchés d'embarquer par la grève. "Mais à cette époque de l'année, nos navires sont déjà extrêmement chargés, et nous ne pouvons prendre tout le monde. Nous tentons donc de multiplier les rotations", explique M. D'hoorne, précisant que 3.000 passagers sont attendus d'ici ce week-end, qui marque le coup d'envoi de la haute saison d'été.
Jeudi soir, quelques centaines de socioprofessionnels de Corse, excédés par le mouvement, se sont violemment fait entendre en tentant de prendre d'assaut à coups de pierre le Jean-Nicoli, stationné à Porto-Vecchio, le forçant à appareiller vers Marseille.
La SNCM réalise plus de la moitié de son chiffre d'affaires annuel en été. La direction assure que "pratiquement personne n'a été laissé complètement en détresse grâce à un gros travail d'information, via l'envoi de plus de 7.000 SMS, et de recherche de solution". Mais les réservations avaient déjà chuté de 10% avant la grève, et "nous perdons environ 500.000 EUR par jour et cela risque d'augmenter avec la pleine saison", affirme la direction.
"Il faut savoir arrêter une grève", a mis en garde mardi le nouveau patron de la compagnie, Olivier Diehl, évoquant une possible "liquidation" de la SNCM si le conflit perdurait, mais il semble avoir peu de chances d'être entendu.
Sa prise de pouvoir dans la compagnie s'est renforcée jeudi avec la nomination en assemblée générale de Jérôme Nanty, un homme du sérail. Il doit être placé à la tête du conseil de surveillance, mais celui-ci ne s'est finalement pas tenu jeudi (BIEN jeudi), faute de quorum selon les syndicats. "Alors que les salariés sont en demande de clarification, l'Etat et Transdev quittent le navire!", a dénoncé Pierre Maupoint de Vandeul, représentant CFE-CGC des officiers
L'annonce lundi soir par le secrétaire d'Etat aux Transports Frédéric Cuvillier, venu rencontrer les salariés, de la nomination de Louis Gallois pour "établir un plan stratégique de soutien aux compagnies de transport maritime françaises" n'a en rien altéré la volonté des syndicats, qui demandent la médiation du Premier ministre Manuel Valls.
Le représentant CGT des marins, Frédéric Alpozzo, assure même qu'il entend "saisir un juge d'instruction", affirmant que "les actionnaires ont déjà prévu de mettre la société au tribunal de commerce cet automne".