Les Etats-Unis ont de nouveau allégé vendredi les restrictions commerciales pesant sur Cuba dans le cadre du rapprochement historique entre les deux pays, sans toutefois mettre un terme à l'embargo qui frappe l'île communiste depuis plus de cinquante ans.
Dévoilées deux mois après le rétablissement officiel des relations diplomatiques entre Washington et la Havane, les mesures présentées par le département du Trésor n'ont pas la même portée symbolique mais marquent toutefois une nouvelle étape du dégel entre les deux anciens ennemis de la Guerre froide.
Peu après cette annonce, le président Raul Castro a demandé à son homologue américain Barack Obama de "supprimer définitivement la politique d'embargo", selon le ministère cubain des Affaires étrangères. La Maison Blanche s'est aussi fait l'écho de la conversation téléphonique affirmant que MM. Castro et Obama avaient évoqué les étapes à franchir "pour faire progresser la coopération bilatérale".
"Une relation Etats-Unis-Cuba plus forte et plus ouverte a le potentiel de créer des opportunités américaines pour les Américains et les Cubains", a estimé le secrétaire au Trésor américain, Jacob Lew, cité dans le communiqué annonçant l'allègement des restrictions commerciales. Il a ajouté que les Etats-Unis cherchaient ainsi à soutenir la volonté des Cubains d'obtenir une "liberté économique et politique".
Principale innovation, les limites sur le montant des transferts de fonds de la diaspora cubaine vers leur île seront purement et simplement levées à partir de lundi, selon le communiqué du Trésor.
Auparavant, les envois étaient plafonnés à 2.000 dollars par trimestre et par individu tandis que les Américains et Cubains ne pouvaient physiquement ramener sur l'île que respectivement 10.000 et 3.000 dollars.
Source cruciale de revenus pour des Cubains étranglés par l'embargo, ces transferts sont actuellement estimés à 5 milliards de dollars par an, selon des estimations non officielles.
Autre nouveauté, des ressortissants américains pourront désormais légalement ouvrir des bureaux, commerces ou entrepôts sur l'île communiste et créer des co-entreprises avec des Cubains dans le domaine des télécommunications et d'internet, un domaine que Washington cherche à libéraliser au plus vite.
A la faveur d'une première vague d'allègements annoncée en janvier, les Etats-Unis avaient ainsi dévoilé une série de mesures visant à encourager les exportations dans le secteur des télécommunications, que ce soit au niveau des infrastructures, des logiciels ou des terminaux grand public.
- Possibilités de visite étendues -
A partir de lundi, les banques seront également autorisées à "ouvrir et maintenir" des comptes pour des ressortissants cubains hors de leur île.
"Les règlementations publiées aujourd'hui sont destinées à soutenir l'émergence d'un secteur privé cubain", a commenté la secrétaire américaine au Commerce Penny Pritzker, également citée dans le communiqué.
Si les voyages touristiques sont toujours interdits, les possibilités de visites vers Cuba sont à nouveau élargies, notamment s'agissant de "familles proches" pour des mariages ou des adoptions ou des actions "humanitaires".
Les Etats-Unis ont également posé les jalons d'une possible reprise de vols réguliers avec la Havane en autorisant "au cas par cas" l'exportation de matériels destinés à l'aviation civile afin notamment de contrôler les passagers ou d'assurer la sécurité des vols, détaille le Trésor dans son communiqué.
Un haut responsable du Trésor a toutefois indiqué que les limites avaient été atteintes avec cette nouvelle série de mesures, sur ce que peut ordonner l'administration Obama pour assouplir l'embargo et autoriser notamment les voyages vers l'île.
L'exécutif américain a cherché à ébrécher autant que possible l'embargo, mais sa levée totale ne peut être décidée que par le Congrès, qui est dominé par l'opposition républicaine hostile au rapprochement avec La Havane.
Décrété en 1962 et renforcé par la loi Helms-Burton de 1996, cet arsenal interdit notamment aux entreprises américaines ou de pays tiers de faire affaire avec Cuba et restreint les déplacements vers l'île des Caraïbes.
A la mi-juillet, le président cubain Raul Castro avait déjà exhorté l'administration Obama à faire usage "de ses pouvoirs exécutifs" contre l'embargo.
A la mi-août, son frère et prédécesseur, Fidel Castro, avait, lui, évalué à plusieurs "millions de dollars" le préjudice subi par son pays du fait de cet arsenal auquel la candidate à l'investiture démocrate pour la Maison Blanche Hillary Clinton a appelé fin juillet à mettre un terme "une fois pour toutes".
Ce n'est pas le seul obstacle à la normalisation complète des relations entre les deux pays: Washington et La Havane devront également s'entendre sur la fermeture de la base américaine de Guantanamo et sur l'indemnisation des expropriations menées après la révolution castriste de 1959.