PARIS (Reuters) - Le gouvernement et des élus de la majorité ont dénoncé mercredi une "instrumentalisation" politique des embarras judiciaires d'Alexandre Benalla, l'ex-chargé de mission de l'Elysée qui s'est plié à une convocation de la commission d'enquête du Sénat.
Accusé d'avoir molesté le 1er mai des manifestants à Paris en se mêlant à des CRS, celui qui était devenu un homme de confiance du chef de l'Etat a été licencié par la présidence de la République et mis en examen en juillet.
La commission des lois du Sénat, constituée en commission d'enquête, veut l'entendre comme d'autres protagonistes de cette affaire qui a plongé l'exécutif dans une tourmente politique sans précédent depuis le début du quinquennat d'Emmanuel Macron.
Après avoir fait savoir via l'un de ses avocats, Me Laurent-Franck Liénard, qu'il entendait réserver ses premières déclarations à la justice - il est convoqué devant les juges le 28 septembre -, Alexandre Benalla, 26 ans, a fait volte-face mardi soir, déclarant être "contraint" à une audition au Sénat.
Le président de la commission, Philippe Bas (Les Républicains), et ses deux rapporteurs, Muriel Jourda (LR) et Jean-Pierre Sueur (PS), lui avaient signifié dans la journée qu'il était tenu de déférer à sa convocation sous peine d'une sanction de deux ans de prison et 7.500 euros d'amende.
"Personne n'est dupe de ce qu'il se passe, de ce qu'il s'est passé cet été, de l'instrumentalisation de ce qui est, tout de même, une dérive au départ personnelle", a commenté la ministre la Justice, Nicole Belloubet, mercredi sur France Inter.
"Il ne doit pas y avoir d'interférence entre une commission d'enquête parlementaire et une information judiciaire (...) au nom de la séparation des pouvoirs", a-t-elle poursuivi. Il y a une deuxième règle (...) selon laquelle le pouvoir de contrôle du Parlement s'exerce à l'égard de l'action du gouvernement. (...) Ce n'est pas l'exécutif, c'est l'action du gouvernement".
"CE N'EST PAS UN PROBLÈME SECONDAIRE"
Une allusion au rôle que remplissait Alexandre Benalla auprès d'Emmanuel Macron et aux attaques contre le chef de l'Etat auxquelles son comportement a donné lieu.
La présidente du Rassemblement national, Marine Le Pen, a accusé la ministre sur RTL de "se positionner comme l'avocat de M. Benalla"."Ça en dit long sur ce gouvernement qui manifestement développe un irrespect total pour nos institutions", a-t-elle dit.
La commission d'enquête du Sénat, qui a repris ses auditions mercredi, avait initialement fixé au 19 septembre la convocation d'Alexandre Benalla. Philippe Bas a indiqué sur RMC qu'une date serait fixée "en fin de semaine".
En réplique à Nicole Belloubet, le sénateur, qui fut notamment secrétaire général de l'Elysée sous Jacques Chirac, s'est défendu de toute interférence.
"Les faits judiciaires, c'est la justice qui s'y intéresse, moi je m'intéresse au fonctionnement de l'Etat", a-t-il justifié sur BFM TV. "Nous voulons savoir clairement les choses et s'il y avait des interférences avec les services officiels chargés de la sécurité du président de la République. Ce n'est pas un problème secondaire (...) , c'est la continuité de l'Etat dans un monde où le terrorisme rôde."
"FONDS DE COMMERCE"
Le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, avait accusé mardi sur RTL l'ancien ministre de mener "une campagne politique personnelle". Il a mesuré ses critiques mercredi matin sur franceinfo mais a dit regretter que la commission d'enquête du Sénat, où la droite est majoritaire, "ne soit pas présidée par quelqu'un qui puisse venir de La République en Marche".
François Patriat, président du groupe LaRem au Sénat et proche du chef de l'Etat, a estimé sur LCI que la commission d'enquête se muait "en juge et en procureur". "On est dans un procès médiatique où l'on cherche à atteindre Emmanuel Macron".
Le député LaRem Florian Bachelier, premier questeur de l'Assemblée, a ironisé sur "le fonds de commerce de Philippe Bas"."Philippe Bas a pris goût aux plateaux de télévision et ça commence à se voir", a-t-il déclaré sur Sud Radio.
Le président de la commission des Lois a balayé des "déclarations déplacées".
La charge la plus virulente à son égard est venue d'Alexandre Benalla lui-même, qui l'a comparé à un "petit marquis" dans un entretien à France Inter mardi soir dont l'ex-collaborateur a refusé la diffusion mais qui a été retranscrit.
"Ce sont des petites gens, qui n'ont jamais existé dans le paysage politique français et qui aujourd'hui, à travers Benalla, veulent essayer d'avoir le président Macron. Mais ils n'y arriveront pas!", dit-il notamment à propos des sénateurs.
"Je ne laisserai pas insulter l'institution qu'est le Sénat", a réagi mercredi sur LCI le président de la haute assemblée, dénonçant des "propos déplacés, offensants".
"Ça n'est pas une cour de justice. (...) Ils sont extrêmement attentifs à la séparation des pouvoirs", a-t-il souligné.
(Emmanuel Jarry et Sophie Louet, édité par Yann Le Guernigou)