En annonçant une stabilisation de la dépense publique en volume en 2018, le Premier ministre, Edouard Philippe, a fixé un objectif jusque-là inédit en termes d'économies. Mais les mesures qui permettront d'y parvenir restent à ce stade extrêmement floues.
"Il y a une addiction à la dépense publique" et, "comme toute addiction, elle nécessitera de la volonté et du courage pour s'en désintoxiquer", a martelé mardi le chef du gouvernement lors de son discours de politique générale devant les députés.
Un discours offensif assorti d'un double engagement: faire en sorte que la dépense publique reste "stable hors inflation en 2018 par rapport à 2017" et que son poids rapporté au produit intérieur brut (PIB) diminue "de trois points" d'ici la fin du quinquennat.
La dépense publique, c'est-à-dire l'argent déboursé par l'Etat, la Sécurité sociale et les collectivités territoriales, a atteint 1.257 milliards d'euros en 2016, soit 56,2% du PIB. Un ratio en recul par rapport à 2015 (56,7%), mais supérieur à la moyenne des pays européens (48,5%).
"Pour atteindre les objectifs fixés par le gouvernement, il va falloir faire des efforts importants", souligne François Ecalle, ancien magistrat de la Cour des comptes et fondateur du site fipeco.fr, qui juge "ambitieux" le gel de la dépense promis en 2018.
En 2011, certes, la dépense publique avait déjà été stabilisée. Mais cette stabilisation avait été permise par la suppression des mécanismes de soutien institués pendant la crise et par une inflation "plus forte que prévu", rappelle M. Ecalle, qui évoque un caractère "accidentel".
"Fixer un objectif de croissance zéro pour l'année suivante, ça n'est en vérité jamais arrivé. Et ça ne sera pas facile à faire", prédit le fiscaliste, qui rappelle que la dépense publique augmente spontanément de 1,6% par an, en raison notamment du vieillissement de la population.
- 'Pas précis' -
Le gel des dépenses promis, d'après M. Ecalle, impliquera de réaliser quelque 20 milliards d'euros d'économies en 2018 sur l'ensemble des administrations publiques. Un chiffre qui pourrait même frôler les 25 milliards, selon d'autres experts.
"Un tel montant, personne ne l'a jamais fait", insiste Michel Taly, avocat fiscaliste chez Arsène Taxand et ancien directeur de la législation fiscale à Bercy.
En 2014, François Hollande avait annoncé un plan d'économies de 50 milliards d'euros sur trois ans. Mais cet objectif d'économies "en tendance", c'est-à-dire par rapport à l'évolution spontanée des dépenses, avait finalement été enterré, en raison des dépenses annoncées à la fin du quinquennat.
Comment le gouvernement compte-t-il s'y prendre pour réussir là où d'autres avant lui ont échoué? Edouard Philippe, mardi, est resté plus qu'avare en matière de mesures concrètes. "Partout, nous chasserons la dépense inefficace et le saupoudrage de crédits", a-t-il avancé.
Parmi les rares pistes confirmées: un coup d'arrêt à "l'inflation de la masse salariale du secteur public". Gérald Darmanin, ministre des Comptes publics, avait déjà annoncé la semaine dernière un gel du point d'indice. Le gouvernement devrait y ajouter des suppressions de postes, conformément au programme d'Emmanuel Macron.
Dans son discours, le Premier ministre a également évoqué des coupes dans la politique de l'emploi, de la formation, mais aussi du logement. "Nous dépensons deux fois plus que nos voisins européens dans l'aide au logement et les Français éprouvent toujours autant de difficultés à se loger", a-t-il justifié.
Dans son audit publié jeudi, le Cour des comptes avait elle-même recommandé par exemple une "plus grande sélectivité de l'accès aux logements sociaux" et une réduction de la durée des contrats aidés, par ailleurs recentrés sur le seul secteur privé.
Quelles seront les solutions retenues par le gouvernement? C'est "ce que nous n'avons pas entendu hier", a regretté mercredi le président LR du Sénat, Gérard Larcher. "Quand ça n'est pas précis, c'est qu'il y a un loup", a jugé pour sa part la députée PS Valérie Rabault.
A Bercy, on indique que certaines pistes, concernant l'année 2017, pourraient être précisées jeudi à l'occasion des "Etats généraux des comptes de la nation", organisés par Gérald Darmanin et visant à faire le point après l'audit de la Cour des comptes.