Avions non polluants, numérique, mobilités urbaines: le nouveau patron d'Airbus, Guillaume Faury, commence à dévoiler sa vision stratégique, mais sa priorité à court terme reste d'honorer le carnet de commandes.
"Il est très probable qu'après 50 ou 60 ans de stabilité dans l'architecture des avions, nous voyions des changements radicaux. Ils ne sont pas loin, (mais) les technologies ne sont pas encore matures", a expliqué M. Faury à des journalistes avant l'ouverture lundi du salon aéronautique du Bourget.
"Nous avons le privilège d'être la génération qui devra lancer ces technologies, et probablement les prochains programmes avec ces technologies", a-t-il poursuivi.
Le nouvel homme fort d'Airbus, âgé de 51 ans, a succédé en avril à l'Allemand Tom Enders. Ce dernier a été emporté, avec d'autres dirigeants historiques comme son numéro deux Fabrice Brégier, par la crise de gouvernance qui a secoué l'avionneur fin 2017, sur fond d'investigations en France et en Grande-Bretagne pour des irrégularités sur des transactions que le groupe a lui-même dénoncées.
Outre la remise en ordre de bataille du groupe déboussolé par cette crise, Guillaume Faury doit apporter une vision d'avenir pour Airbus, après l'abandon d'un de ses programmes les plus emblématiques, le géant des airs A380, et à l'heure où le secteur aérien est confronté à de multiples défis.
- Le "rêve": un avion sans émissions -
Son arrivée à la tête de l'avionneur européen coïncide notamment avec une levée de boucliers contre les émissions de dioxyde de carbone (CO2) des avions et des appels au boycott du transport aérien largement relayés sur les réseaux sociaux.
Ces appels trouvent principalement un écho en Europe et en Scandinavie, mais peu de relais dans le reste du monde, notamment en Asie où se fait la plus grosse part de la croissance du transport aérien. "Le grand défi est de continuer à croître tout en devenant plus durable. Le rêve est d'avoir, pour la prochaine génération, un avion qui sera sans émissions" polluantes, répond Guillaume Faury.
Le transport aérien représente aujourd'hui entre 2% et 2,5% des émissions mondiales de CO2, mais sans les progrès déjà réalisés depuis 20 ans par le secteur, cela "atteindrait 8% à 10%", relève-t-il.
- Nouvelles technologies -
Le numérique est un autre grand axe de développement pour Guillaume Faury, qui cite des applications dans la production de pièces en 3D, les services, ou la collecte de données.
La plateforme "Skywise", lancée en 2017, permet ainsi aux compagnies aériennes clientes d'Airbus de transmettre des informations qui sont ensuite utilisées par exemple pour des services de maintenance prédictive. Il parie aussi sur l'essor de nouvelles technologies, notamment en matière de propulsion.
Ces nouvelles technologies "arrivent, et nous commençons à jouer avec elles": et d'évoquer des expérimentations menées avec l'E-Fan, un projet d'avion électrique abandonné en 2017, l'E-FanX, un démonstrateur de vol hybride, avec plusieurs sources de carburant, ou encore "des petits véhicules Vahana ou City Airbus", des taxis volants développés pour des projets de mobilité urbaine.
"Ce sont des opportunités fantastiques pour, à la fois, voir ce que nous pouvons faire dans le domaine de la mobilité urbaine --et nous pensons qu'il y aura un marché-- et pour développer à petite échelle ces technologies qui, une fois matures, seront prêtes à être appliquées, dans une nouvelle étape, à l'aviation régionale ou commerciale", s'enthousiasme M. Faury.
- "Priorité" aux livraisons -
A plus court terme, une "priorité" reste d'assurer la livraison des avions commandés en temps et en heure.
Le carnet de commandes d'Airbus atteignait fin mai 7.207 avions commerciaux. Pour plus des trois quarts, ce sont des avions de la famille A320, le moyen-courrier vedette du groupe.
Le rythme des livraisons a été sérieusement ralenti l'an dernier par des aléas liés aux motoristes (CFM International, la coentreprise de General Electric (NYSE:GE) et Safran (PA:SAF), et Pratt et Whitney) qui équipent la version "neo" (remotorisée et moins polluante) de l'A320. En 2019, les moteurs arrivent "à peu près à l'heure" mais le constructeur "subit encore très fortement les retards de 2018" qui l'ont "désorganisé", reconnaît Guillaume Faury.
Au total 718 avions ont été livrés en 2017, et 800 en 2018. L'objectif pour 2019 a été fixé entre 880 et 890 avions, avec une cadence de production actuelle de 60 avions par mois. Et elle devrait atteindre 63 appareils par mois mi-2021.