Après un printemps et un été bien sombres, le Japon a entamé l'automne sous des auspices guère plus radieux: la consommation a encore chuté en octobre et l'inflation est tombée au plus bas depuis un an, accentuant la pression sur les autorités et la Banque du Japon (BoJ).
Les statistiques dévoilées vendredi par le gouvernement brossent un tableau médiocre de l'économie nippone, à l'approche d'élections anticipées présentées par le Premier ministre Shinzo Abe comme un referendum sur les "abenomics".
Cible croissante des critiques, ce cocktail de largesses budgétaires, de souplesse monétaire et de promesses de réformes est, selon lui, la seule solution pour relancer une économie chancelante depuis deux décennies.
Après des débuts prometteurs et des louanges dans le monde entier, les "abenomics" ont accumulé les revers récemment, l'archipel renouant avec la récession au troisième trimestre dans la foulée d'une hausse de la TVA nippone le 1er avril.
Les Japonais, dont les revenus stagnent désespérément, n'ont toujours pas retrouvé le sourire en octobre. Si les ventes de détail ont progressé de 1,4% sur un an, les ménages ont réduit leurs emplettes (-4%) pour le septième mois consécutif.
Face à ce déclin de la demande, l'évolution des prix, sur la pente descendante depuis plusieurs mois, a de nouveau marqué le pas (+2,9%, contre +3% en septembre). En excluant l'effet taxe, ils ont affiché une maigre hausse de 0,9%, repassant sous la barre des 1% pour la première fois depuis octobre 2013.
Ces données très mitigées révèlent l'ampleur de la tâche qui attend la BoJ, a commenté dans une note Marcel Thieliant, de Capital Economics. "L'inflation, prévient-il, devrait continuer à ralentir à court terme, sous l'effet du récent plongeon des prix du brut", qui se sont effondrés cette semaine à des niveaux inédits en plus de quatre ans.
- La BoJ très loin du compte -
La banque centrale a déjà montré sa détermination en annonçant fin octobre, contre toute attente, une extension de son programme de rachats d'actifs. Cette décision, adoptée à l'arraché (cinq voix pour, quatre contre), a créé un électrochoc qui a considérablement affaibli le yen et dopé les marchés boursiers, mais elle risque de ne pas suffire, selon les observateurs.
"Malgré son geste surprise, la BoJ est encore très loin de son objectif ultime d'une inflation à 2%", a ainsi souligné Crédit Agricole.
"L'économie japonaise se trouve à un moment critique dans son combat contre la déflation", a lui-même reconnu le gouverneur de la BoJ, Haruhiko Kuroda, qui pourrait être contraint à un nouvel assouplissement dans les mois à venir.
Dans la série de chiffres publiés ce jour, les économistes ont toutefois noté "des signes positifs".
De fait, les entrepreneurs affichent un meilleur moral: en déclin aux deuxième et troisième trimestres, la production industrielle a signé en octobre son deuxième regain d'affilée, bien que très modeste (+0,2%). Les analystes n'en attendaient pas tant, ils avaient même parié sur une baisse de 0,6%.
Selon un sondage mené par le ministère, les industriels se montrent plutôt sereins, alors que les exportations ont paru se redresser récemment: ils prévoient un nouveau rebond de la production en novembre (+2,3%), avant une timide hausse de 0,4% en décembre.
Surtout, le chômage est redescendu le mois dernier à 3,5% de la population active, comme en mai et en août, un record de faiblesse depuis décembre 1997, grâce à un recul de la proportion de femmes à la recherche d'un emploi.
La méthode de comptabilisation officielle tend certes à minimiser les chiffres en excluant les personnes qui travaillent ne serait-ce que quelques heures par mois, mais l'amélioration est réelle ces derniers mois. On comptait en octobre 110 offres d'emploi pour 100 demandes, un ratio inédit depuis plus de deux décennies, s'est félicité le ministère du Travail.
Reste à savoir si cette embellie durable se traduira par une progression des salaires, clé de la relance de la demande et de la lutte contre la déflation.