Refusant de se déclarer battu, Bouygues a déposé une nouvelle offre mercredi avec le soutien de poids de la CDC, bras financier de l’État, pour remporter l'opérateur SFR, malgré l'entrée en négociations de sa maison mère Vivendi avec Altice/Numericable.
Bouygues a relevé la part en numéraire de son offre à Vivendi à 13,15 milliards d'euros pour le deuxième opérateur français -- supérieure de 1,85 milliard pour la partie en numéraire à son offre précédente -- auxquels s'ajoutent 21,5% du capital du nouvel ensemble pour Vivendi, contre 43% précédemment.
Cette offre "fédère de grands actionnaires industriels et financiers de long terme autour de son projet de fusion de Bouygues Telecom avec SFR", tels la Caisse des Dépôts (CDC), la famille Pinault et JCDecaux Holding, a souligné le groupe dans un communiqué.
Ces partenaires ont accepté de "rentrer ou se renforcer au capital du nouvel ensemble", aidant ainsi Bouygues à relever le montant qu'il propose, précise le groupe.
La Caisse des Dépôts, déjà actionnaire à 3% de Bouygues, a indiqué à l'AFP être prête à apporter 300 millions d'euros à la nouvelle offre, ce qui lui permettrait de prendre une part de 3% dans la nouvelle structure.
Pour Jean-Pierre Jouyet, son directeur général, "c'est une opération intéressante, qui consolide le secteur des télécoms en France".
La CDC, aussi actionnaire de Bouygues, penche ainsi en faveur d'une recomposition du paysage des télécoms français de 4 à 3 opérateurs (Orange, Bouygues-SFR, Free), précise une source proche, alors que l'offre d'Altice peut aboutir à maintenir la guerre des prix en vigueur avec quatre opérateurs.
Observant que le Conseil de surveillance de Vivendi "avait confirmé le caractère pertinent de l'offre de Bouygues mais avait considéré sa part en numéraire insuffisante" le groupe propose ainsi à Vivendi d'augmenter la part en numéraire de son offre pour emporter la partie.
La nouvelle offre valorise SFR à 17,4 milliards d'euros "en intégrant la totalité des synergies, dont 16,3 milliards d'euros d'ores et déjà sécurisés par l'accord avec Free", à qui Bouygues s'est dit prêt à céder son réseau et des fréquences.
Cette offre "est supérieure de 1,4 milliard d'euros dans sa composante en numéraire à l'option concurrente actuellement en cours de négociation chez Vivendi", déposée par Altice, principal actionnaire de Numericable, détaille le groupe de médias, télécoms et BTP.
- Altice "reste serein" -
Vivendi avait tranché vendredi en faveur d'Altice avec qui il est entré "en négociations exclusives" pour trois semaines, semblant clore une bataille à rebondissements entre les deux prétendants au contrôle de SFR.
Altice avait remporté cette manche avec une offre, relevée in extremis, qui prévoit un paiement de 11,75 milliards d'euros pour Vivendi ainsi que l’attribution de 32% du capital de la nouvelle entité.
Selon une source proche du dossier, le conseil de surveillance de Vivendi avait choisi ce projet à l'unanimité, grâce aux garanties sur l'emploi et la rapidité envisagée de la transaction.
Mais le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, qui avait affiché un soutien franc à l'offre de Bouygues, avait estimé dès vendredi que le rapprochement SFR-Numericable n'était pas encore acquis.
"Je crois que le débat continue", avait déclaré M. Montebourg sur France 2. "Je ne suis pas certain - il y a trois semaines de discussion - que les banques aient envie de s'exposer (...) outre mesure".
La porte-parole du gouvernement Najat-Vallaud-Belkacem a également jugé mercredi qu'il n'était "pas neutre" qu'une entreprise comme SFR soit "susceptible de devenir suisse", soulignant que "c'est une vraie question qui est posée".
La résidence fiscale suisse de Patrick Drahi, patron d'Altice, la maison mère de Numericable, a été soulignée à maintes reprises par ses détracteurs. M. Drahi avait indiqué lundi qu'il ne comptait pas rapatrier sa résidence fiscale en France mais que le nouvel ensemble Numericable-SFR resterait domicilié à Paris et coté sur Euronext.
"Altice-Numericable reste serein" et "ne fait aucun commentaire pendant la période de négociations exclusives engagées depuis le 14 mars", a indiqué un porte-parole, interrogé par l'AFP.
"Nous travaillons depuis lors de façon très constructive avec les équipes de Vivendi et SFR sur le projet industriel retenu par Vivendi", a-t-il ajouté.
Le groupe Vivendi a confirmé mercredi soir dans un communiqué avoir reçu "une nouvelle offre de Bouygues concernant SFR", tout en rappelant être en phase de négociations exclusives avec Altice.