L'Argentine a emprunté mardi 16,5 milliards de dollars à l'occasion de son retour sur les marchés de capitaux, une levée de fonds historique pour Buenos Aires, qui lui permet de solder un litige hérité de la crise de 2001.
"Aujourd'hui, nous célébrons la fin du défaut de paiement de 2001, ou plutôt vendredi, quand nous effectuerons le règlement" aux fonds spéculatifs, a déclaré le ministre argentin du Budget Alfonso Prat-Gay, lors d'une conférence de presse.
La demande d'emprunt argentin - 68 milliards de dollars - a largement dépassé l'offre. Buenos Aires a porté son émission obligataire bien au-delà de son objectif initial de 12 à 15 milliards, en profitant au passage pour se refinancer.
Pour le règlement du contentieux avec les "fonds vautours" ayant fait condamner l'Argentine devant la justice américaine, le gouvernement de centre-droit au pouvoir depuis décembre avait été autorisé par le Parlement à émettre 12,5 milliards de dolalrs de dette.
La fin du défaut de paiement de l'Argentine signifie que les entreprises et les provinces pourront désormais avoir accès à des crédits à de meilleurs taux.
- Succès aux USA -
Vendredi, l'Argentine signera un chèque de 9,3 milliards de dollars aux fonds spéculatifs qui avaient systématiquement refusé les restructurations de dette de 2005 et 2010.
Le ministre a estimé que la levée de fonds était "la plus importante de l'histoire de l'Argentine et la demande la plus forte de l'histoire pour un marché émergent".
Les bons ont trouvé preneur aux Etats-Unis (65%), en Europe (25%), en Asie (5%) et en Amérique latine (5%), a précisé le ministre. "Il n'y a pas d'autre émission de dette prévue en 2016", a-t-il ajouté.
Dans le détail, l'émission se décline ainsi : 2,75 milliards de dollars à 3 ans au taux de 6,25%, 4,5 milliards à 5 ans au taux de 6,87%, 6,5 milliards à 10 ans au taux de 7,5% et 2,75 milliards à 30 ans au taux de 7,62%.
Cette levée de fonds met un terme à des années de contentieux juridique avec les fonds spéculatifs qui ont toujours refusé d'accepter, comme l'on fait 93% des créanciers du pays, une décote sur les titres qu'ils détiennent.
"Ce n'est pas un aboutissement, c'est un point de départ", a assuré le ministre. Le nouveau gouvernement a du pain sur la planche : inflation de 12% au premier trimestre, déficit budgétaire de 6% et croissance au ralenti.
Voyant se dessiner lundi le succès de l'opération, le président Mauricio Macri avait estimé que l'Argentine était "sortie d'années de conflit financier avec le monde".
L'Argentine avait besoin de nouveaux financements pour tourner la page de la crise économique et s'attaquer aux défis de l'inflation et à la relance de sa croissance.
- Redonner confiance -
Au lendemain de la crise économique de 2001/2002, l'Argentine avait rompu avec les institutions internationales (FMI, Banque mondiale), que les ex-présidents de gauche Nestor Kirchner (2003-2007) puis de son épouse Cristina (2007-2015) tenaient pour co-responsables du défaut de paiement de 2001.
Profitant du boom des matières premières dans les années 2000, Buenos Aires s'était désendetté grâce au produit des exportations agricoles, pilier de l'économie argentine.
La baisse des cours a conduit l'Argentine à revoir sa stratégie et un retour sur les marchés internationaux de capitaux s'imposait.
Fin mars, Buenos Aires et les fonds "vautours" ont conclu un accord pour mettre un terme au conflit.
Même onéreux, parvenir à un règlement avec les derniers créanciers en conflit avec l'Argentine était une priorité pour son nouveau gouvernement, afin de redonner confiance à d'éventuels investisseurs.
Pour l'économiste argentin Dante Sica, "l'Argentine tourne définitivement la page de l'histoire du défaut de paiement".
"Sortir de la classification de défaut de paiement, dit-il, peut motiver des entreprises qui avaient suspendu des projets de développement en Argentine".