par Steve Scherer
ROME (Reuters) - L'Italie est entrée en récession au deuxième trimestre pour la troisième fois depuis 2008, une répétition qui souligne la faiblesse persistante de la troisième économie de la zone euro et accroît la pression sur le président du Conseil, Matteo Renzi, dont toutes les promesses de réformes sont loin d'avoir été tenues.
Le produit intérieur brut (PIB) italien a reculé de 0,2% sur la période avril-juin par rapport aux trois premiers mois de l'année, montre la première estimation officielle publiée mercredi par l'institut national Istat, alors que les économistes interrogés par Reuters attendaient en moyenne une croissance de 0,2%.
L'économie italienne s'était déjà contractée de 0,1% sur janvier-mars. Une récession se définit par deux trimestres consécutifs de recul du PIB.
La Bourse de Milan perdait plus de 3% à la mi-journée après les chiffres de l'Istat tandis que l'écart de rendement ("spread") entre les obligations d'Etat italiennes et allemandes se creusait.
Dans un entretien publié par le quotidien Il Sole 24 Ore avant les chiffres officiels, le ministre de l'Economie, Pier Carlo Padoan, a déclaré qu'en dépit des signes préfigurant une croissance 2014 plus faible que prévu, l'Italie n'avait pas besoin d'un collectif budgétaire.
Il a réaffirmé que le déficit public italien respecterait cette année le plafond de 3% fixé par l'Union européenne.
"La limite de 3% ne sera franchie ni en 2014 ni en 2015. Il n'y aura pas besoin d'un collectif budgétaire", a-t-il dit, expliquant que cette affirmation s'appuyait sur "des informations dont je dispose à l'heure actuelle et les prévisions que nous avons actualisées avec de nouvelles informations de l'Istat".
Le gouvernement prévoit officiellement pour cette année une croissance de 0,8% et un déficit de 2,6% du PIB mais Pier Carlo Padoan et Matteo Renzi ont déjà reconnu que la situation était plus défavorable que prévu initialement. Ces propos ont nourri les spéculations sur la possibilité de nouvelles mesures afin de respecter le plafond de déficit.
OBSTACLES STRUCTURELS
Même si l'Italie n'est plus l'une des principales sources d'inquiétude des investisseurs - grâce entre autres aux décisions prises par la Banque centrale européenne (BCE) - les statistiques publiées mercredi reflètent la lenteur des progrès accomplis par Rome pour résoudre les problèmes structurels du pays, en quasi-stagnation depuis plus de dix ans.
La Banque d'Italie a déclaré le mois dernier que le PIB s'était contracté de 9% depuis le début de la crise financière en 2007. Et elle a ramené sa prévision de croissance 2014 à 0,2% seulement, un chiffre qui correspond à celles du Fonds monétaire international (FMI) et de l'OCDE.
Matteo Renzi a annoncé des réformes ambitieuses du marché du travail et de la fiscalité censées favoriser la croissance, qui doivent s'accompagner d'une refonte du système judiciaire, d'une simplification des procédures administratives et d'une simplification du système parlementaire.
Mais à l'exception d'un allègement fiscal de 80 euros par mois pour plusieurs millions de foyers à bas revenus, ces promesses n'ont pas encore été suivies d'effet et le gouvernement est accaparé depuis plusieurs semaines par la bataille parlementaire qu'a ouverte son projet de réforme de la Constitution, marqué par une importante réduction des pouvoirs du Sénat.
L'impact des réductions d'impôts a même été remis en question, le président de la fédération italienne du commerce Confcommercio estimant que son impact sur la consommation était "presque invisible".
Pier Carlo Padoan a déclaré qu'il n'existait aucune alternative aux réformes engagées par le gouvernement mais il a ajouté que les résultats seraient lents à se faire sentir.
"L'Italie se bat pour sortir de la crise parce qu'elle a construit des obstacles structurels. Il n'y a pas de raccourci pour renouer avec la croissance: nous devons supprimer les obstacles par le biais de réformes structurelles", a-t-il dit à Il Sole.
Au chapitre des rares bonnes nouvelles, l'Istat a fait état d'une hausse de 0,9% en juin de la production industrielle, grâce à la progression de l'investissement comme des achats de biens de grande consommation, un rebond marqué après la baisse de 1,2% de mai, la plus forte depuis 2012.
(Marc Angrand pour le service français, édité par Véronique Tison)