Le groupe sud-coréen de construction navale STX, plombé par une énorme dette, a affirmé samedi qu'il envisageait de céder ses chantiers navals en France et en Finlande, une annonce qui préoccupe certains élus locaux et syndicats du dernier grand chantier naval français, alors que, pour Bercy, son activité "n'est pas menacée" en raison de sa bonne santé économique.
"Cette annonce d'intention de vente n'est pas rassurante, cela rajoute de l'inquiétude à l'inquiétude", a estimé samedi Joël Cadoret, élu CGT. Les ex-Chantiers de l'Atlantique, devenus "STX France", "ne se trouvent pas dans une situation confortable, avec un taux de chômage partiel important" et un carnet de commandes manquant de visibilité, dit-il. Pour Johan Jardin, de la CFDT, "il y a une inquiétude tant qu'on ne sait pas comment on va être mis dans la boucle. Ce qui peut nous sauver, c'est que l'Etat détient des parts".
STX France est détenu à 33,3% par l'Etat français et à 66% par STX Europe, filiale du sud-coréen STX Shipbuilding.
Le gouvernement, "pleinement mobilisé sur ce dossier", s'est voulu rassurant, assurant samedi soir que l'activité des chantiers navals de Saint-Nazaire n'était pas menacée par l'éventuelle décision de cession que pourrait prendre l'actionnaire coréen, en raison de leur bonne situation économique.
"STX France a pleinement consolidé son activité ces derniers mois, grâce à d'importants contrats remportés, en particulier à l'export. L'activité de Saint Nazaire n'est donc aucunement menacée par les événements de Corée", ont affirmé le ministre de l'Economie Pierre Moscovici et du Redressement productif, Arnaud Montebourg, dans un communiqué commun.
Ils soulignent également que l'information sur une éventuelle cession de STX France par STX Corée n'est pas précisée par l'actionnaire coréen : "L'Etat, actionnaire indirect de STX France via le Fonds stratégique d'investissement (FSI), n'a notamment pas été saisi par STX Corée. En tout état de cause, aucun projet de cession ne peut avoir lieu sans information préalable de l'actionnaire public français".
L'annonce du groupe asiatique survient alors que les chantiers navals de Saint-Nazaire - après deux ans passés sans aucune commande - ont reçu en décembre un sérieux coup de pouce avec la signature d'un contrat pour réaliser un paquebot de plus d'un milliard d'euros de type Oasis pour l'Américain Royal Caribbean International, numéro deux mondial de la croisière.
Mais "l'Oasis ne sera pas suffisant pour répondre à tous les emplois, on a besoin de nouvelles commandes", affirme Joël Cadoret.
La question de la nationalisation des chantiers navals de Saint-Nazaire a été de nouveau évoquée, après l'annonce de leur possible cession. "Ce nouvel épisode nous conforte dans notre revendication : le moment est venu que l'Etat nationalise le dernier grand chantier naval", a affirmé Nathalie Durand, de FO, tandis que Christophe Morel, de la CFDT, assurait qu' "on interpellera le gouvernement sur une augmentation de la part de l'Etat".
Le ministre du redressement productif Arnaud Montebourg a rétorqué que les chantiers de l'Atlantique "ont besoin de commandes et pas d'un nouvel actionnaire". "Nationaliser sans commande ne servirait à rien", a dit le ministre dans un entretien au journal Le Monde daté de dimanche-lundi. "La nationalisation est un outil pragmatique, pas idéologique", a-t-il affirmé, en rappelant que l'outil de travail de ces chantiers "est performant" mais que le problème principal reste la faiblesse des commandes.
Pour le député EELV de Loire-Atlantique François de Rugy, la commande de l'Oasis devrait néanmoins "logiquement être un atout dans un processus de reprise". Mais "le marché mondial est restreint", a-t-il nuancé. "Soit on trouve un industriel qui se diversifie, soit des gens qui cherchent à récupérer la technique, mais pas forcément le site", a-t-il affirmé. Il souligne aussi le risque de ne pas trouver de repreneur, même si les Chantiers ont déjà changé de mains à plusieurs reprises.
"La vigilance est indispensable" sur la composition du nouvel actionnariat, a renchéri Jacques Auxiette, président PS du conseil régional des Pays de la Loire. "La nationalisation, c'est ce que tout le monde a en tête mais le vrai objectif, c'est une politique industrielle" et la Banque publique d'investissement "peut jouer un rôle non négligeable", a-t-il ajouté.