PARIS (Reuters) - Isabelle Prime, enlevée en février au Yémen et libérée dans la nuit de jeudi à vendredi, est rentrée vendredi en France. Elle était, selon les autorités, la dernière Française otage à l'étranger.
L'avion transportant la jeune femme, qui avait été amenée à Oman après sa libération, s'est posé peu après 19h00 (17h00 GMT) sur la base aérienne de Villacoublay, près de Paris, où elle a été accueillie par ses proches, par François Hollande et Laurent Fabius.
Quelques minutes après son arrivée, Isabelle Prime, coiffée d'une casquette et portant des lunettes de soleil, a remercié les services de l'Etat. "On sait que la France est toujours là quand il y a d'énormes problèmes", a-t-elle dit.
Alors que François Hollande a renouvelé un appel à ne pas s'exposer pour les Français vivant dans des zones jugées à risque, la jeune femme a expliqué qu'elle avait été enlevée alors qu'elle s'apprêtait à quitter le Yémen.
"On est resté jusqu'au bout parce qu'on travaillait sur le système de protection sociale (...) On était sur le point de partir, ça s'est joué à deux semaines", a-t-elle dit avant que son père, présent à ses côtés, précise que l'ex-otage et sa famille ne souhaitaient plus apparaître publiquement.
Dans la journée, le ministre des Affaires étrangères avait souligné que la vie d'Isabelle Prime était menacée.
"Nous avons des éléments (...) qui montrent que la mort n'est pas passée loin", a dit Laurent Fabius à iTELE. "Si nous n'étions pas arrivés à la sortir, elle serait morte."
Il a cependant assuré que la France n'avait pas versé d'argent en échange de la libération de cette consultante de 31 ans, enlevée le 24 février avec son interprète par des hommes armés dans la capitale yéménite, Sanaa.
"En ce qui concerne l'Etat français, le principe est que nous ne payons pas de rançon. Pour le reste, évidemment ce sont des négociations très compliquées (...) sur lesquelles notre règle d'or (...) est de rester extrêmement discret", a dit le chef de la diplomatie française à BFMTV.
Les autorités françaises ont salué le rôle du sultanat d'Oman, dont François Hollande et Laurent Fabius ont remercié les dirigeants, en particulier le sultan Qabous Ibn Saïd.
Le chef de l'Etat a dit avoir appelé le sultan pour lui exprimer sa "reconnaissance" avant l'arrivée d'Isabelle Prime en France.
Le sultanat d'Oman, situé stratégiquement à l'entrée du golfe arabo-persique, a souvent joué un rôle de médiateur dans des affaires d'otages et dans la diplomatie de la région.
"Les Omanais connaissent bien le Yémen et la région", souligne-t-on de source diplomatique française.
VIDÉO
Selon l'agence de presse omanaise ONA, qui cite un responsable du ministère des Affaires étrangères, les services du sultanat ont contribué à la localiser et à la ramener à Oman.
La jeune femme est arrivée à Mascate, capitale du sultanat, vers 05h00 du matin heure locale et a été placée "sous la protection des services français", selon l'Elysée.
Dès qu'il a eu la certitude de ce dénouement, François Hollande avait appelé jeudi soir la famille de l'ex-otage, de l'avion qui le ramenait de l'inauguration d'un nouveau tronçon du canal de Suez, a déclaré l'entourage du chef de l'Etat.
A Villacoublay, il a salué la "patience, la compréhension" de la famille d'Isabelle Prime qui s'est montrée très discrète durant la captivité, comme le demandent les services français pour ne pas attirer l'attention sur les otages.
Employée par la société de conseil américaine Ayala Consulting et en mission d'assistance technique, Isabelle Prime avait été enlevée alors qu'elle se rendait à son travail.
Sa libération avait été annoncée une première fois en mars par une source tribale yéménite mais seule l'interprète, Cherine Makaoui, avait finalement été relâchée.
Isabelle Prime était apparue vêtue de noir, à genoux, visage fatigué dans une courte vidéo mise en ligne le 4 mai, envoyée au quotidien Ouest-France et authentifiée par la France.
Elle y demandait en anglais à François Hollande et au président yéménite Abd-Rabbou Mansour Hadi, aujourd'hui en exil en Arabie saoudite, de la faire libérer "rapidement". Elle disait également avoir tenté "plusieurs fois" de se suicider.
Le Yémen est en pleine crise depuis la prise de Sanaa par les miliciens houthis, des chiites originaires du nord du pays, en septembre. Une coalition de pays arabes sunnites emmenés par l'Arabie saoudite y a lancé une campagne de frappes aériennes le 26 mars pour aider les forces loyalistes à reprendre le pouvoir.
Les milices fidèles au président et des unités militaires formées et équipées par les pays arabes du Golfe ont enregistré des victoires notables ces dernières semaines face aux Houthis.
Le Yémen abrite aussi une branche très active d'Al Qaïda, Al Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa), qui a revendiqué l'attentat contre l'hebdomadaire Charlie Hebdo le 7 janvier à Paris et à qui les tribus revendraient souvent leurs otages.
(Danielle Rouquié, Elizabeth Pineau et Emmanuel Jarry, avec Sami Aboudi à Oman)