par Renee Maltezou et Robin Emmott
BRUXELLES/ATHENES (Reuters) - Les discussions entre la Grèce et ses créanciers ont été interrompues jeudi sans qu'un accord ait été trouvé et les ministres des Finances de la zone euro se réuniront de nouveau samedi, trois jours seulement avant une échéance clé qui pourrait placer Athènes en défaut.
La réunion de l'Eurogroupe, la troisième depuis le début de la semaine, s'est achevée sur un nouveau constat d'échec, les discussions sur les propositions soumises par Athènes et celles des "institutions" créancières (Commission européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international) n'ayant pas permis d'élaborer un document de compromis.
S'exprimant à l'issue de la première journée du Conseil européen de Bruxelles, Angela Merkel a déclaré dans la nuit de jeudi à vendredi que le prochain rendez-vous des ministres des Finances de l'eurozone serait décisif pour trouver une solution, François Hollande évoquant quant à lui une réunion "cruciale".
"Nous disons, non sans peser nos mots, que cet Eurogroupe sera d'une importance décisive, en prenant en compte le fait que les délais sont très courts et qu'il faut travailler dur à un résultat", a déclaré la chancelière allemande.
Avant le début du Conseil européen, Angela Merkel avait souligné devant des représentants du Parti populaire européen (PPE) qu'un accord sur la Grèce devait être conclu avant l'ouverture des marchés lundi matin, ont rapporté deux participants à la réunion. Selon ces sources, elle a assuré que son pays n'accepterait aucun "chantage" de la part d'Athènes.
ULTIMATUM
Sans accord permettant de débloquer les 7,2 milliards d'euros d'aide qui restent à verser à la Grèce, cette dernière en sera pas en mesure de rembourser l'échéance du 30 juin au FMI, d'un montant de 1,6 milliard.
Un tel défaut contraindrait sans doute les autorités à adopter des mesures de contrôle des capitaux et ouvrirait la voie à une possible sortie forcée de la Grèce de la zone euro.
Dans l'après-midi, le président de l'Eurogroupe Jeroen Dijsselbloem a assuré que "la porte reste ouverte pour que la partie grecque puisse apporter de nouvelles propositions ou accepter ce qui est sur la table".
Le ministre grec des Finances, Yanis Varoufakis, a quant à lui minimisé la portée de l'échec de la réunion. "Les institutions vont de nouveau examiner les deux documents, nos documents et les leurs, il va y avoir des discussions avec le gouvernement grec et nous allons continuer jusqu'à ce que nous trouvions une solution", a-t-il dit à la presse.
Après cinq mois de discussions souvent tendues, la Commission, le FMI et la BCE avaient donné au Premier ministre grec, Alexis Tsipras, jusqu'au milieu de la matinée pour leur transmettre un projet de réformes crédible, précisant qu'en l'absence de propositions, ils soumettraient leur propre texte à l'Eurogroupe.
Mais Athènes a laissé cet ultimatum expirer en expliquant s'en tenir aux propositions présentées lundi et modifiées à la marge depuis. Le document du gouvernement Tsipras prévoit notamment le maintien de l'exemption de TVA dont bénéficient les îles grecques.
Après trois heures de réunion, Alexis Tsipras a quitté le bâtiment de la Commission avec le sourire et en levant le pouce mais sans faire le moindre commentaire.
EXASPÉRATION
Des diplomates expliquent que la tactique adoptée par les créanciers traduit leur exaspération face au refus du Premier ministre grec de tout compromis sur les dossiers clés que sont les retraites, la réforme du marché du travail, les salaires et la fiscalité, ce que Syriza appelle ses "lignes rouges".
Des responsables grecs proches des négociations ont expliqué qu'Athènes avait déjà fait des concessions sur ces lignes rouges en proposant de relever certains impôts et taxes et d'augmenter les contributions sociales des retraités.
A leurs yeux, les créanciers ont prouvé qu'ils n'avaient pas la volonté d'aboutir à un accord en modifiant de manière abrupte les estimations du produit de chacune des mesures proposées, ce qui a compliqué l'élaboration d'une proposition acceptable.
En Grèce, les responsables politiques continuent d'afficher leur défiance vis-à-vis des bailleurs de fonds.
"Les exigences des créanciers visant à ramener sur la table des mesures destructrices montrent que le chantage à l'égard de la Grèce a atteint son paroxysme", a déclaré Nikos Filis, porte-parole des députés Syriza, à la chaîne de télévision Mega.
Il a ajouté que son parti continuait d'exiger qu'un allègement du fardeau de la dette figure dans tout accord.
"Il ne peut y avoir d'accord sans référence solide et sans décisions spécifiques sur la question de la dette elle-même", a déclaré Panos Skourletis, le ministre grec du Travail, à la radio-télévision publique ERT.
Mais Angela Merkel a répété, lors de sa conférence de presse au milieu de la nuit, qu'il était impossible, à ce stade, d'allouer à la Grèce une autre somme d'argent que celle qui reste à verser dans le cadre de son deuxième plan de sauvetage.
A Francfort, une source proche des débats au sein de la direction de la BCE a rapporté que Jens Weidmann, le président de la Bundesbank allemande, avait exprimé à ses collègues de la zone euro ses inquiétudes au sujet de l'octroi de fonds d'urgence aux banques grecques.
Le Conseil des gouverneurs de la BCE, qui tient une téléconférence quotidienne sur la situation financière de la Grèce, a néanmoins approuvé jeudi le montant de liquidités d'urgence (ELA) sollicité par la Grèce pour ses banques, a dit une source bancaire à Athènes.
Face à l'incertitude persistante, les principales Bourses européennes ont terminé sur une note hésitante et l'euro était stable face au dollar, autour de 1,12.
(avec Yves Herman, Michele Kambas, James Mackenzie, Jan Strupczewski, Francesco Guarascio et Alexander Saeedy; Marc Angrand pour le service français, édité par Jean-Stéphane Brosse)