Le projet de loi modifiant le droit du travail était présenté jeudi en Conseil des ministres, importante étape d'un parcours chahuté marquée par une nouvelle mobilisation de jeunes et de syndicats qui dénoncent un détricotage des droits des salariés.
Le Premier ministre Manuel Valls vante une réforme "intelligente, audacieuse et nécessaire", qui doit répondre au chômage de masse (3,5 millions de personnes sans emploi) "auquel notre pays s'est habitué depuis trop longtemps".
Mais l'opposition contre ce texte reste vive: sept syndicats et organisations de jeunes manifestent à nouveau ce jeudi pour en réclamer le retrait, avant une grande mobilisation le 31 mars.
Le principal bâtiment de Sciences Po Paris était bloqué tout comme plusieurs lycées, selon l'organisation lycéenne UNL. Et les mairies du 18e (où la ministre Myriam El Khomri est élue) et 13e (où le secrétaire d'Etat aux Relations avec le Parlement, Jean-Marie Le Guen, est élu) étaient occupées par des militants CGT, eux aussi pour le retrait de l'avant-projet.
Ce projet de 52 articles "visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs" comprend de nouveaux droits, dont le compte personnel d'activité (CPA), des moyens syndicaux accrus ou l'extension de la garantie jeunes.
Il met également en place le référendum en entreprise, fait évoluer les règles de la représentativité patronale, du licenciement économique ou de la médecine du travail. Il réécrit intégralement la partie du code du travail relative au temps de travail, donnant plus de place à l'accord d'entreprise.
Son objectif? "Donner au dialogue social une place beaucoup plus importante dans la définition des règles sociales" pour passer "enfin d'une culture de l'affrontement à une culture du compromis et de la négociation", indique l'exposé des motifs.
Cette réforme, vraisemblablement la dernière du quinquennat, a été partiellement réécrite après la bronca politique, syndicale et de jeunes, qui y ont vu un texte trop libéral et peu sécurisant pour le salarié: grèves, manifestations, pétition record (un million de signatures en deux semaines), tribune incendiaire de Martine Aubry ("trop, c'est trop"), réunions PS électriques ont jalonné son parcours.
Désormais, il n'est plus question de plafonner les indemnités prud'homales pour les licenciements abusifs, au grand dam du patronat, ni d'autoriser des décisions unilatérales de l'employeur sans accord dans les entreprises de moins de 50 salariés pour le forfait-jour ou les astreintes.
- Manifestation à 12H30 à Montparnasse -
Ces modifications ont permis à l'exécutif d'obtenir les soutiens précieux des syndicats dits "réformistes" (CFDT, CFE-CGC, CFTC, Unsa), ainsi que de la majorité. Mais les "réformistes" comptent sur son amélioration, notamment sur l'article portant sur les licenciements économiques, réécrit à la marge.
Et les frondeurs, qui promettent "une bataille parlementaire extrêmement ferme", viennent de présenter une "contre-réforme", quand les Français (58%) continuent de s'opposer à cette réforme, selon un sondage Viavoice.
En outre, la CGT, FO, FSU, Solidaires, Unef, UNL et Fidl, qui réclament toujours l'abandon pur et simple d'un texte qui "continue à diminuer les droits des salarié-e-s et à accroître la précarité, notamment des jeunes", ont appelé à une nouvelle mobilisation jeudi.
Une manifestation doit partir à 12H30 de Montparnasse jusqu'aux Invalides contre "la casse du code du travail". D'autres manifestations sont prévues dans les villes étudiantes. Les mêmes organisations appellent à des grèves et manifestations le 31 mars. Un appel similaire avait rassemblé des dizaines de milliers de personnes le 9 mars.
Et pour compliquer davantage la tâche de l'exécutif, si le patronat semblait acquis à la version initiale, il critique vertement la nouvelle: sept organisations, dont le Medef, la CGPME et la FNSEA, ont lancé mardi un "appel solennel" au Premier ministre afin que le texte "retrouve son objectif d'origine: créer de l'emploi".
"Revenir à la version 1 du texte, comme le réclame le patronat, c'est juste impossible", a rétorqué jeudi le numéro un de la CFDT, Laurent Berger, sur LCI, ajoutant que "si c'était le cas, la CFDT se mobiliserait".
Le texte sera examiné en commission des Affaires sociales de l'Assemblée nationale à partir du 5 avril, puis au Parlement fin avril-début mai.