Alternative au stockage et au broyage, le recyclage des avions en fin de vie n'est pas assuré de profiter du prochain renouvellement massif des flottes aériennes, qui fera baisser la valeur des appareils et favorisera un démantèlement à moindres frais.
Trop vieux, trop coûteux en carburant et en maintenance, "il va y avoir de plus en plus d'avions candidats au retrait de service", prédit Philippe Fournadet, président de Tarmac Aerosave, estimant le marché mondial à entre 12.000 et 15.000 appareils qui seront mis à la casse sur les 20 prochaines années, soit 600 à 750 par an.
Installée sur l'aéroport de Tarbes (sud-ouest de la France) depuis 2009, la société est spécialisée dans le démontage et le recyclage des carcasses d'avions, quand "la méthode habituelle est de les broyer avec une pelle mécanique", une fois récupérés les équipements réutilisables, explique-t-il.
Cette filiale commune d'Airbus (PARIS:AIR), Suez Environnement (PARIS:SEVI) et Snecma (groupe Safran (PARIS:SAF)) a démantelé à ce jour une soixantaine d'appareils et parvient à valoriser près de 90% de la masse totale, après séparation des fluides polluants et tri des métaux.
Mais cette activité est sujette à deux phénomènes qui ont un effet direct sur sa rentabilité. A court terme, les cours des matières premières, en particulier de l'aluminium, ont une incidence sur les résultats.
A moyen terme, l'afflux d'appareils obsolètes, remplacés par des modèles plus modernes, risque d'entraîner une surabondance d'équipements et donc de faire chuter leurs prix de revente. Or, "la valeur de l'avion est concentrée dans les équipements", observe M. Fournadet.
Les propriétaires de ces aéronefs en fin de vie, qui sont souvent des courtiers recherchant un retour sur investissement rapide, pourraient donc être tentés de "limiter la prestation de démontage" aux équipements les plus lucratifs, négligeant le reste du démantèlement.
A moins que les compagnies aériennes ne décident de prolonger l'exploitation de ces appareils, faute de pouvoir en tirer un bon prix. Mais tôt ou tard, ces épaves deviendront "une charge, parce qu'il faudra stocker des avions à valeur résiduelle extrêmement faible", prévient-il.
Tarmac Aerosave, qui visait il y a quatre ans une activité reposant à 50% sur le recyclage, réalise encore les trois quarts de son chiffre d'affaires dans le stockage et la maintenance associée.
L'entreprise dispose aujourd'hui d'une capacité de 250 places, dont 225 sur l'aérodrome de Teruel (Espagne), où elle a remporté un contrat en 2011.
Cela "nous permet de devenir visibles sur le continent européen", ajoute M. Fournadet, convaincu que le coût élevé du convoyage d'un avion de ligne favorise les industriels locaux, mais aussi qu'il n'y a "pas forcément de la place pour tout le monde".
En France, Bartin Recycling (filiale de Veolia) est présent à Châteauroux (centre) depuis 2005, tandis que la compagnie aérienne néerlandaise KLM a ouvert son propre site début 2014 à Norwich (Royaume-Uni).