Les discussions entre Bercy et Google sur un éventuel redressement fiscal étaient toujours en cours lundi, premier jour d'un voyage de François Hollande aux Etats-Unis, avec étape dans la Silicon Valley où il sera évidemment question de l'optimisation fiscale des entreprises du numérique.
La semaine dernière, le site internet de l'hebdomadaire Le Point avait affirmé que le fisc avait décidé d'infliger un redressement d'un milliard d'euros à Google France. Le JDD puis Libération ont écrit dimanche et lundi que ce montant serait en fait de 500 millions d'euros.
"Les discussions sont toujours en cours. Personne ne connaît donc à ce stade le montant" du redressement fiscal qui pourrait être infligé à Google, a indiqué lundi une source proche du dossier à l'AFP.
Le fisc avait mené des perquisitions et des saisies en juin 2011 dans les locaux parisiens de l'entreprise, dans le cadre d'une enquête sur les "prix de transfert" entre la branche en France du géant américain et sa holding irlandaise. Google avait d'ailleurs demandé l'annulation de ces perquisitions, mais avait été débouté par la cour d'appel.
Par la suite, l'administration fiscale a envoyé il y a un an et demi un argumentaire détaillé, et les discussions entre les deux parties sont depuis en cours.
Grâce à une série de montages financiers parfaitement légaux, Google ne paie en France qu'un faible pourcentage d'impôts car la quasi-totalité de ses revenus, déclarés en Irlande après un passage aux Pays-Bas, sont ensuite transférés dans le paradis fiscal des Bermudes, où est située la filiale Google Ireland Holdings.
Selon les documents officiels déposés au greffe du tribunal de commerce, la direction française du groupe a déclaré en 2012 un chiffre d'affaires de 192,9 millions d'euros, et un bénéfice net de 8,3 millions d'euros. Il est indiqué que les impôts sur les bénéfices payés pour cet exercice se sont élevés à 6,5 millions d'euros.
Selon diverses estimations d'analystes du secteur, Google aurait en fait réalisé en France un chiffre d'affaires compris entre 1,25 et 1,4 milliard d'euros pour la seule année 2011, principalement issu de son activité de régie publicitaire sur internet.
Parallèlement à cette procédure fiscale contre Google, d'autres sont également en cours concernant Facebook et LinkedIn, a affirmé cette même source.
Pour l'année 2012, Facebook France a communiqué au greffe d'un chiffre d'affaires de 7,6 millons d'euros (contre 4,8 millions d'euros pour l'exercice 2011), et un bénéfice net de 373.858 euros (contre 228.224 euros un an plus tôt).
"nouvelle piraterie fiscale"
Plus globalement, tous les grands groupes technologiques américains - Apple, Amazon, etc. - sont sous la surveillance des autorités françaises pour leurs pratiques d'optimisation fiscale, des techniques récemment qualifiées de "nouvelle piraterie fiscale" par la ministre déléguée à l'Economie numérique Fleur Pellerin.
La semaine dernière, Yahoo a annoncé le regroupement en Irlande de ses services - et donc des données personnelles - de ses utilisateurs en Europe, Afrique et Moyen-orient. "Cela ne change rien en ce qui concerne la partie taxes, nous sommes en totale concordance avec les lois locales", avait affirmé à l'AFP une porte-parole.
L'Irlande pratique un taux très bas d'imposition des sociétés, de 12,5%. Et au-delà de ce taux avantageux, des questions sont posées sur le rôle joué par l'Irlande dans les stratégies de certaines multinationales pour payer moins d'impôt en faisant voyager leurs revenus d'un pays à l'autre.
"Nous n'avons rien à voir avec la définition d'un paradis fiscal", s'est défendu vendredi le premier ministre irlandais Enda Kenny au siège de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) à Paris, vantant notamment "l'environnement réglementaire" en Irlande pour le secteur numérique, "dont n'importe quel pays européen pourrait s'inspirer" selon lui.
Jeudi dernier, François Hollande avait estimé que l'optimisation pratiquée par les géants de l'internet n'était "pas acceptable": "au niveau européen comme au niveau mondial, on doit faire en sorte que l'optimisation fiscale, c'est-à-dire la tentation de certains grands groupes, concurrents d'ailleurs de nos entreprises, de s'installer là où l'on paie moins d'impôts, puisse être remise en cause", a-t-il déclaré.
Le président français a entamé lundi une visite d'Etat aux Etats-Unis au cours de laquelle il rencontrera les tycoons de la Silicon Valley à San Francisco parmi lesquels les dirigeants de Facebook, Twitter, Mozilla ou Google.