En discussion depuis des années, la taxe sur les transactions financières (TTF) a obtenu une nouvelle chance de voir le jour, dix pays de l'UE ayant promis mardi de s'entendre d'ici fin juin sur les points encore en suspens.
Cette taxe devait initialement être mise en oeuvre au 1er janvier 2016 par 11 pays européens qui négocient depuis 2011, dans le cadre d'une coopération renforcée.
Ne pouvant s'accorder à 28, la France, l'Allemagne, la Belgique, le Portugal, l'Autriche, la Slovénie, la Grèce, l'Espagne, l'Italie, la Slovaquie et l'Estonie avaient en effet décidé il y a quatre ans de tenter de s'entendre à onze. Mardi, c'est l'Estonie qui a jeté l'éponge. Un départ quelque peu minimisé par le ministre autrichien des Finances, Hans-Jörg Schelling, dont le pays pilote les discussions. "Elle a quitté cette collaboration mais pas définitivement, ils réfléchissent s'ils reviennent pour le résultat final", a assuré M. Schelling.
Il n'empêche, l'oxygène se raréfie: une coopération renforcée ne peut se faire que si au moins un tiers des Etats membres y participent, soit neuf au minimum.
"L'objectif est de clarifier toutes les questions encore ouvertes pendant le premier semestre 2016 et ensuite chaque pays va décider s'il veut continuer ou pas", a expliqué le ministre autrichien.
"Aujourd'hui, on a franchi un pas sans pour autant que l'histoire soit terminée", a estimé Pierre Moscovici, le commissaire européen aux Affaires économiques, prenant acte de "progrès tangibles".
L'idée de taxer les transactions financières remonte aux années 1970, avec la proposition de la taxe Tobin, du prix Nobel d'économie James Tobin.
Elle avait connu un nouveau souffle en 2011 alors que la crise financière faisait rage dans l'Union européenne. Les Etats devaient alors débourser des milliards d'euros provenant de l'argent du contribuable pour sauver les instituts financiers et il semblait donc légitime d'associer ces derniers au coût des crises futures.
- Verre à moitié plein ou à moitié vide? -
Les avancées présentées mardi préconisent une assiette de l'impôt large comprenant actions et produits dérivés. Aucune décision n'a en revanche été prise sur le taux d'imposition.
"L'objectif, c'est d'avoir le plus de produits possibles avec un faible taux d'imposition", a dit M. Schelling. "Si un impôt engendre davantage de coûts qu'il ne procure de revenus, il n'est pas censé de le faire entrer en vigueur", a-t-il observé, précisant que les petits pays devaient avoir l'assurance de voir cette taxe générer des recettes.
"La position française était la base la plus large possible, le fait d'être tombé d'accord est un moment décisif. Nous allons commencer à travailler à des hypothèses de taux, et des hypothèses de recettes", a promis pour sa part le ministre français des Finances, Michel Sapin.
Dans sa proposition initiale, la Commission européenne avait pris position pour une taxe d'un montant de 0,1% sur les actions et obligations et 0,01% sur les produits dérivés, une proposition ambitieuse qui n'avait toutefois pas fait l'unanimité parmi les 11 Etats concernés.
Dans sa proposition de directive de février 2013, la Commission évoquait des recettes de l'ordre de 30 à 35 milliards d'euros par an.
Cette nouvelle étape a dans tous les cas suscité la colère de Londres. "Nous pouvons aller devant la Cour de justice de l'Union européenne", a menacé Georges Osborne. "Nous n'allons en aucun cas approuver un document" de ce type, a martelé le ministre britannique.
Du côté des ONG et des mouvements altermondialistes, l'heure était à la déception, après ce report.
"Les quelques mois de délais que se sont accordés les dix Etats européens doivent être mis à profit pour trouver un accord complet incluant l’affectation de cette taxe aux enjeux mondiaux du changement climatique et de la pauvreté. Sans cela, elle ne sera qu’une coquille vide de sens", a plaidé l'organisation ONE dans un communiqué.