La Réserve fédérale américaine (Fed) devrait prudemment passer son tour mercredi et laisser les taux d'intérêt inchangés, une croissance modérée étant toujours en cours aux Etats-Unis mais l'incertitude restant grande sur l'impact économique de l'administration Trump.
La Fed a plusieurs fois souligné "l'incertitude considérable" qui entoure le programme de Donald Trump alors qu'il promet une relance budgétaire avec des réductions d'impôts tout en brandissant des menaces de guerre commerciale. Mercredi, "la réunion de la Fed sera en toute probabilité un non-événement pour les marchés", assurent les économistes de HFE.
Mais à l'avenir, il faudra "s'attendre à des changements sur les taux d'intérêt dans la mesure où nos perspectives sur l'économie changeront", a averti récemment Janet Yellen, la présidente de la Banque centrale.
Après cette première réunion de l'année, le Comité monétaire (FOMC) publiera un communiqué à 19h00 GMT. Il n'y a pas de conférence de presse prévue pour la patronne de la Fed.
"La Fed va passer son tour cette semaine", a résumé Tim Duy, professeur d'économie à l'Université d'Oregon rappelant que les participants au Comité prévoient jusqu'ici trois modestes hausses des taux pour 2017.
En décembre, ils ont relevé le coût du crédit d'un quart de point de pourcentage pour le faire passer dans la fourchette de 0,50% à 0,75%, signalant que l'économie approchait des cibles du plein emploi et de l'inflation à 2%.
Le taux de chômage est à 4,7%, tandis que l'inflation, mesurée par l'indice PCE, est à 1,6% sur un an, au plus haut depuis deux ans. La croissance s'est montrée moins bonne que prévu au quatrième trimestre, redescendant à 1,9% contre 3,5% au troisième trimestre. Sur l'année, l'expansion économique des Etats-Unis n'a atteint que 1,6%, le rythme le plus faible depuis cinq ans.
Alors qu'on guette une accélération de la hausse des prix via les augmentations de salaires, celles-ci ont été décevantes au dernier trimestre (+0,5%, contre 0,6% attendu), selon l'indice du coût de l'emploi publié mardi. "Cela ajoute aux arguments de la Fed d'avancer lentement" dans la hausse des taux, a affirmé Jim O'Sullivan, économiste pour HFE.
La prudence est aussi de mise avant de connaître les implications concrètes des projets du président républicain. "Comme pour tout le monde, la boule de cristal de la Fed est trouble et bien difficile à éclaircir", a affirmé Tim Duy.
"La possibilité d'un choc positif sur la demande à travers des mesures de relance budgétaire pourrait être occultée par un impact potentiellement négatif sur l'offre du fait d'une administration Trump de plus en plus xénophobe", ajoute ce professeur.
- Menaces sur les échanges -
Après avoir menacé le Mexique de droits de douane exorbitants et accusé l'euro d'être sous-évalué et utilisé par l'Allemagne pour doper ses exportations, sur le plan intérieur, l'administration Trump inquiète certains milieux d'affaires, notamment technologiques, avec ses mesures de limitation temporaire de l'immigration.
Difficile pour la Réserve fédérale d'y voir clair pour l'instant entre des mesures potentiellement inflationnistes comme une relance budgétaire au moment où l'économie est déjà proche du plein emploi, et des attaques sur les échanges qui risquent de ralentir l'activité.
La Fed "essaye pour l'instant de lever le pied de l'accélérateur" en rehaussant progressivement les taux d'intérêt, explique Alan Blinder, professeur d'économie à Princeton.
Cet ancien membre du FOMC sous le président Bill Clinton estime que la banque centrale, qui se targue de rester apolitique, doit attendre de voir l'impact des initiatives du nouveau président qui pourraient "à la fois renforcer l'inflation et ralentir la croissance, faisant ressurgir le concept de stagflation".
A terme, cela pourrait placer "la Fed devant un dilemme classique. Contre lequel des deux maux se battre: la forte inflation ou la plus lente croissance ?", a dit M. Blinder.
Le président Trump affirme, lui, qu'en produisant américain, en dérégulant et en réduisant les impôts, la croissance économique de la première économie mondiale peut s'accélérer à 4%.