Le groupe public Poste Italiane va faire son entrée au capital d'Alitalia, a annoncé jeudi le gouvernement italien après plusieurs jours de fiévreuses négociations, un coup de théâtre qui devrait épargner une embarrassante faillite à la compagnie aérienne.
"Le gouvernement exprime sa satisfaction face à la volonté de la poste de participer en tant qu'important partenaire industriel à l'augmentation de capital d'Alitalia", a-t-il annoncé dans un communiqué, confirmant des informations qui avaient filtré dans la presse italienne.
Ce bouleversement de la dernière heure devrait permettre à la compagnie, dont le capital, entièrement privé, est détenu à hauteur de 25% par le groupe Air France-KLM et le reste par une vingtaine de sociétés italiennes, d'échapper au pire.
Il doit cependant encore être validé par un conseil d'administration d'Alitalia, prévu vendredi après-midi et par une assemblée générale extraordinaire convoquée pour le 14 octobre.
"Solution intermédiaire"
Il s'agit d'une "solution intermédiaire", a précisé le ministre des Transports Maurizio Lupi. "A présent, l'intégration avec un partenaire étranger peut être affrontée en position de parité", a-t-il dit.
Jusqu'ici, le gouvernement travaillait sur d'autres pistes comme une participation de la compagnie de chemins de fer Ferrovie dello Stato ou de Fintecna, société publique spécialisée dans la gestion de participations d'entreprises.
Une faillite d'Alitalia, compagnie emblématique et déjà secourue par l'Etat pour un coût de plusieurs milliards il y a cinq ans serait embarrassante pour le gouvernement d'Enrico Letta, à l'heure où il s'efforce de convaincre les investisseurs de s'intéresser à l'Italie et de démontrer à ses compatriotes que le pays est sur le point de sortir de sa pire récession depuis la Deuxième Guerre mondiale.
Grâce à l'aide que les banques sont prêtes à lui apporter et à celle des actuels actionnaires, pressés d'"assumer leur pleine responsabilité", Alitalia réunira "la recapitalisation nécessaire" pour assurer la poursuite de ses services, indique le gouvernement, qui se félicite au passage des "synergies" futures entre la compagnie et le groupe postal.
"Alitalia a besoin d'une discontinuité, d'une stabilisation de son actionnariat et d'une importante restructuration via un nouveau projet industriel. L'entrée de la poste est basée sur ces considérations", poursuit-il.
La compagnie aérienne est "un atout stratégique pour le pays, mais pas sans conditions", prévient le gouvernement, qui appelle à "une profonde révision du plan industriel".
Selon l'agence Ansa, Poste Italiane pourrait participer à hauteur de 75 millions d'euros à l'augmentation de capital de 300 millions d'euros qu'effectuerait la compagnie, ce qui lui assurerait une part de 10%à 15% de son capital. Alitalia devrait par ailleurs requérir un prêt bancaire de 200 millions d'euros.
Sans solution, les heures étaient comptées pour Alitalia, avait prévenu jeudi soir le président l'Autorité italienne de l'aviation civile (Enac) Vito Riggio sur la chaîne de télévision Sky TG24. "Il faut une recapitalisation sinon samedi Alitalia reste à terre", avait-il lancé après avoir reçu dans la matinée les dirigeants de la compagnie.
"Dans le cas contraire, je crois que ce seront eux (Alitalia) qui viendront nous apporter leur licence après-demain, car la compagnie est en difficulté (...) Le règlement est clair: si une compagnie n'a pas les fonds nécessaires pour faire face à ses engagements, il n'y a pas d'alternative", a-t-il ajouté. Plus tôt cette semaine, le groupe pétrolier Eni avait lui aussi menacé de couper l'approvisionnement en carburant à Alitalia.
Outre Air France-KLM, principal actionnaire d'Alitalia et régulièrement pressentie pour voler au secours d'Alitalia, le reste de l'actionnariat est composé d'une vingtaine de sociétés italiennes dont la famille Riva (10,6%), la banque Intesa Sanpaolo (8,9%) et les groupes Atlantia (8,9%) et Immsi (7,1%).
Air France-KLM, elle-même en pleine restructuration, n'exclut pas d'augmenter sa part dans Alitalia mais a jusqu'ici avancé avec prudence. "Nos conditions pour aider Alitalia sont très strictes (...) Si les conditions sont réunies, je suis prêt à avancer; si ce n'est pas le cas, nous ne pourrons pas y aller", avait prévenu la semaine dernière son PDG Alexandre de Juniac dans une interview au journal Les Echos.