par Pauline Mevel et Ingrid Melander
PARIS (Reuters) - Minawar Ahmadzai est arrivé à Paris il y a quatre mois, a dormi dans un parc pendant plusieurs semaines et voilà désormais ce demandeur d'asile afghan, âgé de 27 ans, devenu étudiant à Sciences Po.
La prestigieuse école parisienne accueille depuis la semaine dernière une vingtaine de réfugiés et demandeurs d'asile, dont une majorité de Syriens, qui suivent là des cours d'anglais et de français.
Parmi eux, certains venaient d'entamer leurs études avant de prendre la route de l'exil, d'autres sont déjà diplômés de l'enseignement supérieur.
"C'est une première étape pour moi sur le chemin d'un brillant avenir", explique en anglais Minawar Ahmadzai, père de trois enfants restés à Kaboul.
"Je commence à me décrisper. Je suis heureux parce que ma vie n'est plus en danger. Je veux rester ici toute ma vie", ajoute-t-il.
L'un de ses camarades du jour, Mohammed Salah Uddin Ahmed, a obtenu un diplôme d'anthropologie au Bangladesh avant de quitter son pays pour échapper à des menaces de mort. Aujourd'hui, il aimerait poursuivre un master en sciences sociales mais doit d'abord améliorer son anglais et son français, très hésitant.
Il dit avoir tenté sa chance dans plusieurs universités, pas seulement à Paris, avant de rencontrer Alyette Tritsch, à l'origine avec d'autres étudiants de Sciences Po de cette initiative soutenue par la direction de son établissement.
CURSUS NORMAL
"L’aboutissement pour moi ce serait qu’ils parviennent à créer des liens avec la société française et qu’ils puissent s’intégrer dans l’éducation supérieure s’ils en ont envie", explique cette étudiante en développement international.
L'idée lui est venue en septembre, lorsqu'elle a visité des camps de migrants et rencontré des demandeurs d'asile désireux d'apprendre les langues.
Elle a alors contribué à fonder la branche française de Kiron, une ONG allemande qui accompagne des migrants dans leur nouvelle vie et les aide notamment à surmonter les obstacles administratifs.
Sciences Po réfléchit désormais à la possibilité d'assouplir ses conditions d'admission pour permettre à certains de ces étudiants d'intégrer le cursus normal même s'ils sont, par exemple, arrivés en France sans la copie de leurs diplômes.
En attendant, l'école installée au coeur du très chic quartier de Saint-Germain-des-Prés met à leur disposition une salle des classes et des professeurs de langues, parmi lesquels George Ferenci.
"Je suis né dans un camp moi-même, j'étais migrant après la guerre et c'est formidable pour moi d'être capable de transmettre", dit cet enseignant, né en 1951 dans un camp de réfugiés en Autriche de parents hongrois, qui se sont ensuite envolés pour le Canada.
(Edité par Simon Carraud)