Au Venezuela, le doute et la colère après les réformes économiques de Maduro

Publié le 29/08/2018 07:58
Un homme observe des présentoirs vides dans un supermarché de Caracas, le 28 août 2018 (Photo RONALDO SCHEMIDT. AFP)
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Un homme observe des présentoirs vides dans un supermarché de Caracas, le 28 août 2018 (Photo RONALDO SCHEMIDT. AFP)

Une semaine après le lancement du plan de relance du président Nicolas Maduro, le doute s'installe concernant ces mesures censées sortir le Venezuela du marasme économique: dans la rue, le ras-le-bol qui pousse les habitants à fuir le pays est palpable.

"C'est un désastre, il n'y pas d'aliments de base. Les mesures, ce n'est que de la poudre aux yeux, elles vont renforcer les pénuries et le chômage", déclare à l'AFP Marielsi Ochoa, médecin de 34 ans, au milieu des présentoirs vides.

Pas de viande, ni de poulet, ni d'oeufs, ni de farine de maïs. Seuls sont disponibles des produits de nettoyage et des bouteilles de Coca.

Certains commerçants attendent pour rouvrir d'y voir un peu plus clair au milieu de toutes ces mesures. Ils se demandent aussi comment il vont pouvoir absorber la hausse du salaire minimum, multiplié par plus de 30, sur ordre du chef de l'Etat.

Le plan de relance prévoit aussi une hausse de la TVA et de l'essence, jusqu'ici la moins chère du monde, ainsi qu'une nouvelle monnaie, le bolivar souverain, amputé de cinq zéros pour tenter de faire face à une inflation débridée. La hausse des prix est attendue à 1.000.000% à la fin 2018, selon le Fonds monétaire international (FMI).

Le pain, qui coûtait deux millions de bolivars anciens, en vaut désormais 20 nouveaux.

Egalement dévalué de 96% par rapport au dollar, la nouveau bolivar a été adossé au petro, la cryptomonnaie créée par le gouvernement pour tenter de contourner le manque de liquidités et les sanctions financières des Etats-Unis. Le petro est, selon la gouvernement vénézuélien, lui-même indexé sur le prix du baril de pétrole vénézuélien, à environ 60 dollars.

C'est la première fois qu'un pays adosse sa monnaie sur une cryptomonnaie.

"Les Vénézuéliens ont avant tout besoin d'avoir confiance en la stabilité de leur monnaie, mais les nouveaux billets ne reposent sur rien en dehors des déclarations de Maduro. Pas de dollars, pas d'or, pas de hausse de la production de pétrole, rien", souligne Peter Hakim, du groupe de réflexion Inter-American Dialogue à Washington.

"Ensuite, de nouveaux investissements et une hausse de la production sont nécessaires. Mais rien ne semble se profiler dans la période à venir", ajoute-t-il.

- "Epais brouillard" -

Aux quatre coins du pays, de longues files d'attente se forment devant les banques pour retirer de l'argent. Mais tout comme les anciens billets, les nouveaux sont insuffisants.

"On ne peut plus rien s'acheter", se plaint Jésus Gonzalez, maçon de 58 ans, qui vient de retirer 20 bolivars souverains, le maximum autorisé. De quoi se payer un petit café. "Je ne suis pas calé en économie, mais les mesures de Maduro, c'est bonnet blanc et blanc bonnet!", considère-t-il.

L'exode massif de centaines de milliers de Vénézuéliens fuyant la pauvreté, l'hyperinflation, la faillite des services publics et les pénuries met l'Amérique latine sous pression.

"Les précédents migrants étaient généralement issus de la classe moyenne, mais les nouvelles vagues semblent concerner des personnes désespérées qui n'ont plus les moyens de survivre", estime Paul Webster Hare, professeur de relations internationales à Boston et ex-ambassadeur britannique à Cuba.

De son côté, le gouvernement assure que, grâce à ces décisions, les migrants vont revenir.

Mais pour les entreprises, c'est le grand flou. "Ces mesures vont miner davantage le secteur privé vénézuélien, qui est encore le seul à produire réellement", juge David Smilde, analyste du Bureau de Washington sur l'Amérique latine (WOLA).

L'industrie du pays ne fonctionne qu'à un tiers de ses capacités, selon la Confédération vénézuélienne des industries (Conindustria).

Le fabricant de pneus italien Pirelli (MI:PIRC) est le dernier à avoir jeté l'éponge alors que le transport public est en partie à l'arrêt faute de pièces détachées. Il a fermé lundi son usine au Venezuela à cause du manque de matières premières et de la hausse du salaire minimum, a dénoncé le syndicat de l'entreprise.

"Voilà une semaine que nous sommes dans un épais brouillard", a fait valoir la présidente de la Consecomercio, organisme représentatifs des commerces et des services, Maria Carolina Uzcategui. Selon elle, avant même les mesures de Nicolas Maduro cette année, 40% des commerces avaient fermé.

"L'économie demande de la clarté, mais ici il n'y a pas de règles du jeu", a-t-elle ajouté.

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