Le planeur spatial Perlan 2 est un bon moyen pour Airbus (PA:AIR) de s'attirer de la publicité en faisant concurrence aux innovateurs de la Silicon Valley mais représente aussi un défi technologique ouvrant la voie des voyages dans l'espace.
L'avionneur européen a fait un don de près de 4 millions de dollars, selon une source proche du dossier, à l'association américaine Mission Perlan 2, à l'origine de ce projet ambitieux, et en est devenu le principal partenaire. Cette donation représente 57% du budget de 7 millions récolté pour cet engin, dont le but est de grimper à l'altitude record de 90.000 pieds (27.400 mètres) où les basses températures (-70 degrés Fahrenheit, -57° celsius) avoisinent les conditions observées sur Mars.
Si ce don est dérisoire comparé aux milliards de dollars que coûte traditionnellement le développement d'un programme dans l'aéronautique, il surprend venant d'un groupe dont le nom est plutôt attaché aux avions de ligne et aux hélicoptères.
"Nous avons conçu un aéronef très simple. Il n'y a rien dans cet avion qui n'ait pas déjà été fait", explique à l'AFP Ed Warnock, directeur général de Perlan 2. Alors, pourquoi s'y intéresse Airbus ?
"Ce planeur est en phase avec l'image que nous voulons donner. Celle d'un groupe innovateur. C'est bon pour notre réputation", répond Tom Enders, le patron d'Airbus, personnellement impliqué dans le projet. M. Enders a été le temps d'un test samedi co-pilote d'un vol de Perlan 2.
- Avant-postes -
Airbus, né en 1969 en plein coeur de l'âge d'or de la conquête spatiale, fait le calcul, selon les experts, qu'en s'alliant aux exploits stratosphériques de Perlan 2, il ferait d'une pierre deux coups.
D'un côté, son nom serait associé aux aventures ayant marqué l'histoire de l'aviation, ce qui arrivera probablement si Perlan 2 battait comme envisagé le record d'altitude de l'avion de reconnaissance SR-71 Blackbird, qui remonte à 1976.
De l'autre côté, Airbus espère capter un peu des feux de la rampe tournés sur les milliardaires visionnaires américains Elon Musk et Jeff Bezos, dont les start-up SpaceX (Musk) et Blue Origin (Bezos) mènent la grande offensive de la Silicon Valley dans l'exploration spatiale.
Des fusées aux satellites envoyés sur orbite, ces nouveaux arrivants sont devenus en moins d'une vingtaine d'années le centre d'attractions de l'industrie spatiale, reléguant en arrière-plan les acteurs traditionnels.
Leurs technologies permettent en outre de collecter des données importantes pour la recherche scientifique (changement climatique), l'évolution des ressources naturelles (pétrole, mines).
"L'innovation ne vient pas que de la Silicon Valley", temporise Tom Enders. "Nous sommes aux avant-postes pour rivaliser avec la Silicon Valley. Nous n'avons pas peur", ajoute le dirigeant.
Airbus, qui a ouvert depuis peu un centre d'innovations technologiques en Californie, appelé A3, il entend ainsi profiter de l'exposition médiatique de Perlan 2.
- Plateforme -
Mais ce n'est pas son seul projet pour se rappeler au bon souvenir de la génération des "millennials". En partenariat avec le service de location de voitures avec chauffeur Uber, il planche sur un service d'hélicoptères à la demande. Plus ambitieux est son projet d'un appareil volant, ayant recours à l'intelligence artificielle.
Face à l'encombrement de l'espace aérien, Airbus entend se servir du planeur spatial Perlan 2 comme "plateforme" pour tester ses projets de construction d'avions pouvant voler jusqu'à 60.000 pieds (18.288 mètres), contre 41.000 (12.497 m) actuellement.
Perlan 2 va collecter les données sur la tropopause c'est-à-dire l'espace entre la troposphère et la stratosphère, ce qui va permettre de "découvrir à quel moment les +ondes de relief+ (masses d'air en déplacement), sont le plus ressenties et quand elles deviennent dangereuses pour un avion", avance Ed Warnock.
"On est curieux de savoir comment ont été conçues les ailes du planeur pour pouvoir voler à des altitudes aussi élevées. Ses systèmes de vie intégrés peuvent être utilisés dans nos avions commerciaux. Ce planeur est une grande plateforme pour tester nos idées. C'est très peu risqué et c'est un projet qui ne coûte pas cher", opine Ken Mckenzie, vice-président d'Airbus en Amérique du nord.
Pour l'expert Marco Caceres chez Teal Group, en tant qu'entreprise commerciale, Airbus "entrevoit une source de profits potentielle dans ce projet, un potentiel pour créer un nouveau marché".