Les trois quarts des pays de l'UE sont désormais épinglés par Bruxelles pour dérapage de leurs déficits, qui ont explosé avec la crise, mettant les gouvernements sous pression pour définir une stratégie crédible de retour à la discipline budgétaire.
La Commission européenne a enclenché mercredi la première étape de procédures pour déficits excessifs contre neuf nouveaux pays: l'Allemagne, l'Italie, les Pays-Bas, la Belgique, le Portugal, l'Autriche, la République tchèque, la Slovénie et la Slovaquie.
Partout, le déficit dépassera cette année la limite de 3% du Produit intérieur brut autorisée, selon les prévisions notifiées par ces Etats et celles de la Commission.
Ces Etats viennent s'ajouter à la liste de 11 pays déjà sous le coup de procédures disciplinaires similaires, dont neuf ouvertes cette année. Parmi ceux-ci la France, l'Espagne, le Royaume-Uni ou la Pologne.
Seuls sept pays de l'Union européenne sur 27, dont trois dans la zone euro, échappent encore au rappel à l'ordre: la Finlande, le Luxembourg, Chypre, le Danemark, la Suède, l'Estonie et la Bulgarie.
Il est "essentiel de continuer à appliquer" le Pacte de stabilité "avec rigueur afin d'ancrer l'idée que les déficits excessifs doivent être corrigés de manière ordonnée", a souligné le commissaire européen aux Affaires économiques, Joaquin Almunia.
Bruxelles devra maintenant décider, dans les semaines qui viennent, du temps donné à ces nouveaux pays pour revenir dans les clous. Elle le fera après consultations avec les gouvernements de l'UE.
Des recommandations précises seront ensuite adressées aux pays concernés, à suivre sous peine théoriquement de sanctions. Toutefois, le pacte a volé en éclat avec la crise au point, pour certains, d'avoir perdu toute crédibilité.
Les déficits européens ont explosé depuis l'an dernier, creusés par les dizaines de milliards d'euros dépensés par les gouvernements pour financer des plans de relance face à la récession, et par la hausse des dépenses sociales induite par la crise.
La Commission prévoit qu'ils atteignent 6,5% l'an prochain dans la zone euro, contre 0,6% encore en 2007.
Quant à la dette, elle devrait atteindre 83,8% du PIB en 2010, selon Bruxelles, contre 66% en 2007. Soit bien au-delà des 60% normalement autorisés par le Pacte de stabilité.
Face à cette situation alarmante, les Européens s'efforcent d'agir.
Réunis jeudi à Göteborg, en Suède, les ministres des Finances de l'UE se sont mis d'accord sur la nécessité de mettre fin aux plans de relance quand la croissance reviendra, de prendre plus de mesures de consolidation budgétaire et de mener des réformes structurelles dès que possible.
Mais ils sont divisés sur l'idée de fixer d'ores et déjà une date butoir en 2011 pour commencer l'effort budgétaire, alors que la situation économique est encore fragile en Europe.
Certains pays dévoilent cependant dès maintenant des mesures d'austérité, comme les Pays-Bas, qui ont annoncé une réduction de 20% de leurs dépenses publiques à partir de 2011. Les conservateurs britanniques, qui se préparent à revenir au pouvoir au printemps 2010, promettent aussi une cure d'austérité dans le secteur public.
D'autres Etats en revanche se montrent peu favorables à une réduction drastique des dépenses, comme la France.
Le ministre du Budget français Eric Woerth a estimé récemment qu'il n'y aurait "jamais de grand soir" de la dépense. Il a estimé que la France pourrait "réduire (le déficit) d'un point par an sans politique de rigueur si on retrouve 2,5% de croissance, en tenant la dépense comme on la tient aujourd'hui".