Echaudés par les conséquences de la faillite de Lehman Brothers, les Etats ont depuis systématiquement secouru les grandes banques en danger mais ils peinent aujourd'hui à se défaire de cette obligation d'assistance implicite.
"Comment en est-on arrivé au point qu'on ne puisse plus laisser disparaître un établissement financier sans affecter toute l'économie ?", aurait lancé George Bush, le 16 septembre 2008 alors qu'on lui annonçait qu'il fallait secourir l'assureur AIG, selon l'hebdomadaire "The New Yorker".
A l'instar de l'ex-président américain au lendemain du dépôt de bilan de Lehman Brothers, les gouvernements ont choisi, les uns après les autres, de renflouer l'ensemble des grandes banques en difficulté, de Citigroup à Fortis en passant par Royal Bank of Scotland ou Dexia.
"Nous n'avions pas de mécanisme qui nous auraient permis de laisser tomber des établissements (...) et le problème a été exacerbé par le soutien des Etats", a récemment souligné la présidente du fonds américain de garantie des dépôts bancaires, Sheila Bair.
Au fil des sauvetages, "les banques ont acquis la certitude qu'en cas de problème, elles bénéficieront de l'aide de l'Etat", résume Jézabel Couppey-Soubeyran (Université Paris 1 Panthéon Sorbonne).
Sans ce soutien systématique, "les banquiers aujourd'hui se sentiraient un peu moins protégés par la puissance publique et auraient peut-être un peu mieux tiré les leçons de la crise", ajoute-t-elle.
Gouvernants et régulateurs ont régulièrement averti, ces dernières semaines, du danger de cette situation, notamment la Chancelière allemande Angela Merkel, pour qui "aucune banque ne doit devenir tellement grosse qu'elle puisse faire chanter les gouvernements".
Le G20 de Pittsburgh a identifié la notion d'établissement systémique, c'est-à-dire dont la défaillance présenterait un risque pour l'ensemble du système financier, soit entre 20 et 30 institutions selon plusieurs spécialistes.
Du sommet sont également sorties deux mesures destinées à ces établissements. La première consiste à renforcer leurs exigences de fonds propres, voire de liquidité, et la seconde à faciliter leur défaisance en cas de faillite, pour "limiter la perturbation" du système.
Des propositions positives, juge Charles Geisst, professeur de finance à l'université américaine de Manhattan College mais qui "nécessitent davantage de concret. Ils doivent montrer comment ils vont le faire."
D'autres idées émergent, comme celle d'une contribution versée par les banques aux Etats en échange de leur soutien, avancée par le G20 qui a confié au Fonds monétaire international (FMI) un rapport sur la question.
Concept plus radical, celui d'imposer aux établissements systémiques une cure d'amaigrissement qui lèverait l'obligation pour les Etats de leur venir en aide.
"Pour éviter le problème des garanties implicites, toute institution financière non couverte par des mécanismes explicites devrait être assez petite pour que la possibilité qu'on la laisse faire faillite soit crédible", plaidait l'OCDE dans rapport publié fin septembre.
Philippe Dessertine, directeur de l’Institut de haute finance et professeur d’économie à Paris-X, estime la chose réalisable si portée par "une volonté politique internationale".
Pour lui, "l'Europe est assez mûre" sur le sujet, mais "on n'avancera que quand les Etats-Unis seront prêts à le faire". Le coût spectaculaire du soutien des USA à leur secteur financier et l'ampleur de leur dette pourraient les inciter à revoir leur position, selon lui.