A la tête de l'une des rares start-ups hexagonales cotée à Wall Street, Jean-Baptiste Rudelle a franchi une à une les "barrières mentales" pour faire de Criteo un emblème de la "French Tech", plaidant pour une "révolution culturelle" chez les entrepreneurs français pour voir émerger plus de "licornes".
A 46 ans, Jean-Baptiste Rudelle est un homme comblé. Ses deux rêves "créer sa boîte et écrire un livre" ont déjà été exaucés. "C'est très satisfaisant de pouvoir réaliser ses rêves. Je pense que c'est plus ou moins ce que chacun essaye de faire dans sa vie", confie-t-il avec émotion à l'AFP.
Si son premier essai consacré au creusement des inégalités dans chaque catégorie professionnelle n'a pas marqué les esprits, son manifeste en faveur des start-ups françaises entend avoir plus d'impact, en donnant "envie aux gens d'oser se lancer". ("On m'avait dit que c'était impossible" parution le 1er octobre)
Son parcours de "serial entrepreneur", encore inconnu du grand public, a tout de "l'aventure improbable" de son propre aveu. Contrairement à Marc Zuckerberg (Facebook (NASDAQ:FB)) qui a eu "la chance" de transformer sa première idée en l'une des entreprises les plus florissantes de la planète, Jean-Baptiste Rudelle a du faire trois tentatives, notamment une saladerie spécialisée dans les soupes bio, avant de connaître le succès.
"Si on peut réussir tout de suite, c'est très bien (...) mais on oublie derrière les succès les centaines de milliers d'échecs dont on ne parle jamais", explique celui qui a mis "plus de 15 ans" pour trouver les ingrédients de la réussite.
Criteo, valorisée à plus de 2 milliards de dollars, est aujourd'hui présente dans 85 pays. Grâce à ses algorithmes de prédiction, elle achète et revend en quelques millisecondes aux annonceurs des emplacements publicitaires sur internet, affichant une croissance à deux chiffres.
Fondée en 2005 avec Franck Le Ouay et Romain Niccoli, Criteo se dirigeait vers un service de recommandation de films de cinéma avant de "pivoter" vers la publicité en ligne, et connaître la consécration le 30 octobre 2013 en entrant au Nasdaq, indice américain des hautes technologies où sont cotées les Google (NASDAQ:GOOGL), Apple (NASDAQ:AAPL) et autres Amazon (NASDAQ:AMZN).
- 'Pessimisme masochiste' -
Pourtant rien ne prédestinait ce fils d'intellectuels aux honneurs de la Silicon Valley. Avec une mère chercheur en sciences politiques et un père artiste peintre, ce benjamin de quatre enfants a grandi à Paris dans un milieu qui "ne manquait pas de +capital social+" mais étranger au monde de l'entreprise, "totalement abscons à leur yeux".
"Quand j'ai dit à ma mère que je voulais créer mon entreprise, elle a écarquillé les yeux et essayé de m'en dissuader", se rémémore, sourire en coin, celui qui réside désormais en Californie.
Véritable "geek" asocial durant son adolescence, ce passionné d'échecs et de programmation informatique intègre maths sup et maths spé, avant de rejoindre Supélec pour suivre une carrière toute tracée dans une grande entreprise publique.
Mais reprenant à son compte une citation du célébrissime co-fondateur d'Apple -- "Comme dirait Steve Jobs pourquoi faire partie de la Navy quand on peut devenir pirate?" -- il décide de se lancer seul en 1995.
Après l'échec "dans l'amateurisme le plus complet" de sa première société, il récidive en 1998 avec Kiwee, une entreprise spécialisée dans la personnalisation de sonneries de téléphone, avec cette fois plus ou moins de succès.
A travers son exemple, ce père de deux filles de 12 et 14 ans espère donner les bons conseils comme celui d'attirer à soi des talents aux compétences complémentaires des siennes et avoir la maturité de ne pas se lancer seul.
Sans sa rencontre par le plus grand des hasards avec ses co-fondateurs dans un incubateur parisien, Criteo n'aurait jamais vu le jour.
Surtout, son livre veut lutter contre le "pessimisme masochiste" et démonter certains préjugés ("trop d'impôts, complexité admnistrative"...), allant jusqu'à qualifier la France de "petit paradis fiscal qui s'ignore" avec notamment le crédit d'impôt recherche.
"On a tendance à dire qu'en France c'est impossible de monter des entreprises, le pays est foutu... Moi ce n'est pas du tout ce que j'ai vécu. J'ai l'impression que ce sont de fausses excuses, les vrais problèmes sont ailleurs. Il y a avant tout une révolution culturelle à faire dans la tête des entrepreneurs", espère-t-il.