par Silvia Aloisi et Paola Arosio
MILAN (Reuters) - La Banque centrale européenne (BCE) a rejeté la demande de Banca Monte dei Paschi di Siena (MI:BMPS) d'un délai supplémentaire pour lever des capitaux, a-t-on appris vendredi de source proche du dossier, une décision qui pourrait contraindre Rome à renflouer la troisième banque du pays.
Monte dei Paschi avait demandé à la BCE de repousser de trois semaines, jusqu'au 20 janvier, la date butoir pour mettre à exécution son plan de sauvetage de cinq milliards d'euros en faisant appel au seul secteur privé, en arguant de l'instabilité politique qui règne en Italie depuis la victoire du "non" au référendum constitutionnel de dimanche dernier.
La BCE a rejeté sa demande vendredi, jugeant qu'un report serait de peu d'utilité et qu'il était temps que l'Etat italien intervienne, explique la source.
Après ce refus, le gouvernement devrait intervenir dans les tout prochains jours et peut-être dès ce week-end pour recapitaliser la banque toscane et prévenir le risque de liquidation, selon des sources bancaires. Certains banquiers expliquent que le gouvernement pourrait saisir cette opportunité pour renflouer d'autres banques en difficulté.
Une faillite de Monte dei Paschi pourrait toucher des milliers de petits épargnants, déstabiliser le secteur et provoquer une crise financière en Italie.
Le Trésor italien s'est refusé à tout commentaire mais une source gouvernementale a déclaré que les autorités étaient prêtes à recourir en cas de besoin à un décret d'urgence pour autoriser un sauvetage bancaire.
LE TEMPS PRESSE
Un porte-parole de Monte dei Paschi a dit que la banque n'avait reçu aucune communication de la BCE. Le conseil d'administration du groupe était réuni vendredi soir et pourrait poursuivre ses débats samedi, a-t-on précisé de source proche du dossier.
De même source, on explique que l'administrateur délégué de la banque, Marco Morelli, pourrait encore tenter de lever des capitaux sur le marché en rouvrant aux investisseurs individuels une offre d'échange d'obligations subordonnées contre des actions.
Parallèlement, le fonds souverain du Qatar pourrait investir un milliard d'euros dans la banque et un consortium de banques pourrait tenter de lever des capitaux supplémentaires via une offre publique de vente d'actions sur le marché, sans s'engager à y souscrire, a précisé la source.
Plusieurs professionnels du secteur bancaire estiment néanmoins que l'intervention des pouvoirs publics reste l'issue la plus probable.
A la Bourse de Milan, l'action Monte dei Paschi a perdu jusqu'à 15% en réaction à l'information de Reuters sur le refus de la BCE, pour terminer la séance sur un repli de 10,55%.
Le refus de la BCE, qui équivaut à inviter Rome à intervenir dans le dossier, intervient alors que le gouvernement italien est particulièrement affaibli puisque le président du Conseil, Matteo Renzi, a remis sa démission mercredi et qu'il n'est plus chargé que de gérer les affaires courantes.
UNE RECAPITALISATION "DE PRÉCAUTION" PAR L'ETAT ?
Matteo Renzi a jusqu'à présent refusé de renflouer Monte dei Paschi car les règles européennes en matière de sauvetage bancaire l'obligeraient alors à faire subir des pertes aux détenteurs d'obligations émises par la banque, y compris aux investisseurs individuels.
Le président italien, Sergio Mattarella, devait consulter pas moins de 23 partis vendredi et samedi, dans le but de trouver une solution permettant la nomination rapide - peut-être dès lundi - d'un successeur à Matteo Renzi.
L'Italie reste cependant confrontée au risque d'élections anticipées, qui pourraient être remportées par le Mouvement 5 étoiles (M5S), anti-élites et eurosceptique.
Selon une source bancaire, le consortium de banques censé coordonner l'appel au marché de Monte dei Paschi estime ne pas disposer du temps nécessaire pour réussir l'opération avant l'échéance du 31 décembre fixée par la BCE et juge qu'il n'y a pas suffisamment d'investisseurs intéressés.
Une recapitalisation "par mesure de précaution" par l'Etat serait alors sans doute l'issue la plus probable. Mais les règles européennes très strictes fixées après la crise financière imposeraient alors de mettre à contribution les porteurs d'obligations subordonnées, sans doute par le biais d'une conversion obligatoire de leurs titres en actions.
La direction de Monte dei Paschi a rencontré vendredi le ministre de l'Economie Pier Carlo Padoan et les banques qui superviseront l'augmentation de capital, JPMorgan et Mediobanca, a précisé une source au Trésor italien.
(Avec Giuseppe Fonte, Juliette Rouillon pour le service français, édité par Marc Angrand)