Machine à cash de la Finlande pendant dix ans, Nokia (HE:NOKIA) a périclité en ratant le coche des smartphones, si bien que le pays nordique cherche désespérément depuis un relais de croissance aussi puissant.
En attendant le Graal, la Finlande se remet à puiser dans l'or vert de ses immenses forêts, qui couvrent deux tiers de son territoire et alimentent une puissante industrie papetière.
Äänekoski, ville moyenne du centre du pays, incarne l'espoir soulevé par la relance de la filière pour une économie qui a subi à la fin des années 2000 une double peine: déclin du champion national et crise économique mondiale.
Le groupe Metsä y investit 1,2 milliard d'euros pour y installer une nouvelle usine de cellulose et une bio-raffinerie qui doubleront la production locale. La bourgade de 20.000 habitants vit pâte à papier, pense pâte à papier, respire pâte à papier.
"C'est l'odeur de l'argent", plaisante Petteri Heimonen, un technicien IT de 50 ans, quand on lui demande si les effluves âcres de souffre ne l'indisposent pas.
Papier, carton et emballages sont devenus le premier poste d'exportation de la Finlande l'an dernier, devant les produits pétroliers raffinés, l'inox ou les produits de l'industrie chimique.
Mais ce n'est pas le miracle dont les Finlandais rêvaient pour sortir le pays de l'ornière et redynamiser l'emploi après des années de marasme et trois de récession (2012-2014).
Aucune industrie seule ne saurait faire oublier l'âge d'or de Nokia. L'équipementier, qui ne produit plus aujourd'hui que des réseaux, employait 70.000 personnes en 2006, 112.000 en 2007 après sa fusion avec Siemens Networks. Au tournant des années 2000, il était la première capitalisation boursière d'Europe, devant les pétroliers BP (LON:BP) et Dutch/Shell.
Aussi dynamique soit-il, le secteur des jeux vidéos, avec Supercell (Clash of Clans) ou Rovio (Angry Birds), est lilliputien en comparaison, avec un chiffre d'affaires équivalant à 4% de celui de Nokia en 2007.
Pour l'analyste Tomi Amberla du cabinet Poyry Management Consulting, la prédominance de la vieille filière forestière dans les exportations est révélatrice des "difficultés des autres secteurs".
"Les revenus et les volumes de la filière forestière à l'export croissent, mais faiblement, ce qui veut dire que les autres reculent", affirme-t-il.
Même les papetiers n'arrivent pas aux chevilles de l'ex-géant des télécoms. En 2015, ils ont généré un chiffre d'affaires équivalant à 44% de Nokia en 2007. Ironie de l'Histoire, le premier métier de cette entreprise fondée au XIXe siècle était la pâte à papier.
- Les Chinois emballent -
Ces dernières années, les géants UPM-Kymmene, Stora Enso et Metsä ont fermé 30 machines dans tout le pays, en particulier dans des petites villes désormais sinistrées, victimes de la crise des médias imprimés.
"Voici cinq à dix ans, l'industrie forestière était jugée moribonde", rappelle Riikka Pakarinen, directeur de la Fédération finlandaise des entreprises forestières.
Jusqu'à ce que les vents tournent et soufflent de Chine sur Äänekoski: les Chinois exportent, et pour cela ils ont besoin d'emballages. La croissance du commerce en ligne ou de la demande mondiale de produits hygiéniques aident aussi.
Le savoir-faire est finlandais, et la production automatisée, ce qui ne fait pas du coût de la main-d'oeuvre le facteur déterminant. Les carburants "propres" à base de végétaux participent aussi à la résurrection.
Le groupe Finnpulp prévoit de construire une nouvelle usine de pâte et une bioraffinerie à Kuopio (est), tandis que le chinois Sunshine Kaidi New Energy Group entend injecter un milliard d'euros dans une raffinerie produisant du diesel à base de bois à Kemi (nord).
L'an dernier, UPM a ouvert une bio-raffinerie qui tire du diesel de la résine. "La première au monde", se félicite Sari Mannonen, responsable des biocarburants chez UPM.
Les biocarburants ne constituent néanmoins pour le moment qu'une fraction de l'activité des entreprises papetières. En outre même la dense forêt finlandaise, deuxième plus vaste d'Europe après la suédoise, a ses limites. L'Institut des ressources naturelles estime que son exploitation absorbe près de 80% de sa croissance annuelle.