par John O'Donnell, Lefteris Papadimas et Francesco Canepa
FRANCFORT/ATHENES (Reuters) - Les banques grecques s'apprêtent à laisser les contrôles de capitaux en place pendant plusieurs mois, jusqu'à l'arrivée d'argent frais de la part des partenaires européens d'Athènes, en même temps qu'une restructuration en profondeur du secteur.
Le redressement des banques grecques soulève un difficile dilemme: la zone euro doit-elle prendre une part du capital des établissements de crédit du pays après avoir demandé aux détenteurs d'obligations et même aux gros déposants d'accepter des pertes, ou bien le coût de recapitalisation des banques doit-il s'ajouter à la montagne de dettes qui pèse sur la Grèce?
La réponse à cette question pourrait retarder la conclusion d'un accord pour un troisième plan de sauvetage du pays que les négociateurs veulent boucler dans les semaines qui viennent.
Plus les négociations dureront et plus la situation des banques se dégradera alors même que le plafond de 420 euros par semaine fixé pour les retraits d'argent étouffe l'économie du pays et la capacité des débiteurs à rembourser leurs emprunts.
"Les banques sont complètement paralysées mais l'économie s'affaiblit", note un responsable, faisant référence à l'augmentation du montant des prêts non remboursés.
Le gel des capitaux ne devrait pas disparaître de si tôt, même si les contrôles pourraient être légèrement assouplis comme c'est le cas depuis vendredi pour les transferts d'argent à l'étranger des entreprises.
Le débat est lié à ceux sur les réformes structurelles à mener dans le pays, sur la souveraineté de la Grèce face aux contrôles de ses créanciers européens et sur la question de savoir si l'économie du pays peut se redresser avec une dette de 300 milliards d'euros, bien plus importante que son PIB annuel.
Si la Grèce obtient une nouvelle aide de 25 milliards d'euros pour ses banques - le montant estimé nécessaire pour recapitaliser le secteur - celle-ci s'ajoutera à sa dette que le Fonds monétaire international juge excessive et insoutenable.
RÉTICENCES ALLEMANDES
Les responsables grecs, qui s'inquiètent de la spirale baissière dans laquelle s'enfonce l'économie, demandent un déblocage urgent de fonds pour leurs banques.
Quatre grandes banques dominent en Grèce. Parmi elles, la Banque nationale de Grèce, Eurobank et la Banque du Pirée ont échoué aux tests de résistance de la Banque centrale européenne (BCE) l'an dernier, avant prise en compte de leurs plans de restructuration.
La situation s'est beaucoup dégradée depuis.
"Nous voulons, si possible, une première somme pour répondre aux besoins initiaux des banques", dit un responsable du ministère des Finances. "Cela devrait être d'environ 10 milliards d'euros."
Mais les autres négociateurs, y compris l'Allemagne, sont réticents et pourraient au contraire faire pression pour que les gros déposants, qui détiennent plus de 100.000 euros, ou les détenteurs d'obligations, contribuent au sauvetage des banques.
Les gros dépôts représentent au total plus de 20 milliards d'euros dans les comptes des quatre principales banques grecques, alors que les obligations émises par ces banques ne représentent que de l'ordre de trois milliards d'euros.
Imposer des pertes aux gros déposants, une solution rejetée par le gouvernement grec à plusieurs reprises, serait très controversée, d'autant que, contrairement à Chypre, où une telle solution a été adoptée lors de la crise de 2012-2013, une bonne partie de ces dépôts est détenue par de petites entreprises grecques plutôt que par de riches particuliers.
Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France et membre du conseil des gouverneurs de la BCE, s'est déclaré hostile à l'idée que les gros déposants soient mis à contribution, ajoutant que beaucoup de ses pairs au sein de la BCE étaient du même avis.
Le ton est tout autre à Berlin où certains veulent non seulement que les créanciers paient la facture mais aussi que le Mécanisme européen de Stabilité ne prenne aucune participation directe et qu'Athènes se charge de refinancer ses banques.
Une des options, selon des responsables de la zone euro, est néanmoins une recapitalisation directe des banques par le MES en échange d'une part de capital et donc d'un contrôle plus étroit.
Athènes voudrait les fonds sans les contraintes.
"Nous ne savons pas si le MES prendra le contrôle direct", dit un banquier grec. "Cela fera l'objet des négociations."
Avec une économie à court de liquidités et la menace pas encore définitivement écartée d'une sortie de la zone euro, la marge de manoeuvre du gouvernement grec est limitée.
(Juliette Rouillon pour le service français, édité par Marc Joanny)