La sûreté des aéroports doit répondre à des objectifs discordants de sécurité et d'exploitation en fonction du degré de la menace terroriste, explique à l'AFP Sébastien Caron, directeur général de ASCT International, spécialisée dans l'audit, le conseil et la formation.
Question: Comment se prémunir de la menace terroriste pour les "vols entrants" ?
Réponse: "Avant d'ouvrir une ligne aérienne, des accords bilatéraux sont passés entre Etats permettant de s'assurer qu'à l'étranger, les escales mettent en place un certain nombre de procédures correspondant a l'exigence minimum de sûreté. Ce sont des audits qui ont lieu régulièrement, mais la sureté est quelque chose qui se joue au quotidien, que ce soit en France ou à l'étranger. La sûreté ne peut avoir une efficacité à 100%. La sureté dans les aéroports vient en complément de très bons services de renseignements étatiques, avec une surveillance active des réseaux terroristes".
Q: Est-il déjà arrivé que des lignes soient fermées pour des raisons de sûreté ?
R: "Après le détournement du vol Air France 8969, à Alger en 1994 la veille de Noël, l'Etat français avait décidé de fermer les lignes sur l'Algérie. Après quelques années, il avait décidé de réouvrir les lignes avec l'Algérie, parce qu'il estimait que le niveau de sureté avait augmenté. Pour autant, Air France avait décidé de ne pas y retourner, de ne pas exploiter cette ligne aérienne en l'absence d'un niveau plus élevé de sureté parce que la compagnie estimait que pour ses vols, il y avait un risque particulier. Elle avait été faire des audits et imposé des exigences de sureté supplémentaires et c'est une fois qu'elles ont été acceptées par l'Etat algérien, quelques mois plus tard, qu'elle avait décidé d'exploiter à nouveau la ligne réouverte par l'Etat français (en 2003, ndlr)".
Q: Y'a-t-il contradiction entre normes de sûreté et contraintes d'exploitation ?
R: "Quand il créent des normes, des mesures de sureté, les législateurs doivent toujours respecter trois objectifs discordants, opposés les uns aux autres. Le premier est de garantir la sureté. Le deuxième, qui est en opposition avec le premier, est de garantir la facilitation de la compagnie aérienne et des passagers, donc éviter de mettre en retard les avions et d'être trop inconfortables au niveau des contrôles des passagers. Le troisième, qui découle des deux autres, est celui du coût financier.
La question est donc de savoir où positionner sa norme de sûreté dans ce triangle d'objectifs discordants. Si la menace est plus élevée, je suis prêt à tirer la norme vers la sureté, mais au détriment des deux autres. Cela va coûter plus cher et se faire au détriment des impératifs horaires de la compagnie aérienne et des passagers. Si la menace diminue, on a tendance à diminuer la norme pour se rapprocher de la facilitation au détriment de la sureté. En Israël, les normes sont très élevées, très proches du point sûreté, au détriment de la facilitation des passagers. Cela coûte très cher mais parce que la menace l'exige, les gens sont prêts à l'entendre. Sur un vol à destination de Tel-Aviv, si vous dites aux passagers de se rendre à l'aéroport 6 heures avant le départ, ils viennent sans problème. Si pour prendre un avion Paris-Nice, cela prend plus de temps que de prendre le train, il n'y a aucun intérêt à prendre l'avion.
Donc bien sûr que la sureté est soumise au contraintes d'exploitation, c'est logique. Mais la sûreté est là pour aider le transport aérien à mieux fonctionner, pas pour lui nuire. Il faut trouver un juste milieu parmi ses objectifs".