L'affaire des Volkswagen (XETRA:VOWG) manipulées touche en plein coeur une Allemagne fière de son industrie et de son respect de l'environnement, qui s'inquiétait déjà mardi du discrédit jeté sur le "made in Germany".
Déstabilisé par des révélations aux Etats-Unis, le géant de l'automobile a finalement reconnu avoir installé un logiciel dans 11 millions de véhicules de par le monde, capables de détecter les émissions polluantes et d'en fausser le résultat. Un aveu choquant, dans un pays prompt à s'enorgueillir de la "Deutsche Qualität", ou "qualité allemande".
"Les gens de Wolfsburg (siège de Wolkswagen, dans le nord de l'Allemagne) représentaient un idéal de l'ingénierie allemande. (...) Cette image est égratignée et cabossée. Au minimum", résume l'éditorialiste Ulf Poschardt dans le quotidien conservateur Die Welt.
Volkswagen a d'ailleurs toujours joué sur la fiabilité du "made in Germany". Pour vendre son emblématique Coccinnelle aux Etats-Unis, jugée trop petite et trop ronde par des Américains habitués aux lignes droites et à l'allure massive des Cadillac, Ford et consorts, l'allemand avait déjà dans les années 60 conçu une réplique publicitaire très pragmatique. "Elle est moche, mais elle vous emmène à destination" ("It's ugly, but it gets you there").
Le scandale qui vient d'éclater "endommage l'image de l'Allemagne (...). Le +made in Germany+ a toujours été sérieux, sincère, et n'a jusqu'ici pas triché ni fraudé", constate pour l'AFP l'expert automobile Ferdinand Dudenhöffer.
Le géant aux douze marques "est la plus grande entreprise allemande et une entreprise exemplaire. Personne n'aurait imaginé que Volkswagen puisse mentir", ajoute-t-il, en craignant que les doutes ne se propagent aux concurrents Daimler (XETRA:DAIGn) et BMW (XETRA:BMWG), et aux équipementiers Bosch et Continental.
"Si cette réputation (allemande) se retrouve en danger, alors la croissance et l'aisance de ce pays sont menacés, car un emploi sur sept dépend directement ou indirectement de l'industrie automobile", s'inquiète l'éditorialiste Ulrich Schäfer, dans le quotidien de centre-gauche Süddeutsche Zeitung.
De manière générale, c'est fort d'une promesse de fiabilité et de qualité que l'Allemagne peut exporter à tour de bras, pour plus de 100 milliards d'euros par mois, ses voitures, mais aussi ses produits chimiques et machines outils.
- la parole de la chancelière -
Conscient des enjeux, Berlin réclame des explications mais s'emploie à rassurer. L'affaire est un "incident grave", a reconnu le ministre de l'Economie Sigmar Gabriel, tout en s'empressant d'ajouter que le "made in Germany" restait un "signe de qualité" et n'était pas en danger.
L'affaire éclate au mauvais moment pour le gouvernement fédéral. Angela Merkel se rend à la fin de la semaine à New York, pour convaincre les dirigeants des Nations Unies d'adopter des engagements contre le réchauffement climatique, avant la tenue de la conférence environnementale COP21 à Paris en décembre.
Celle qui aime à se voir en "chancelière du climat" aimerait que la sortie du nucléaire et la transition énergétique restent les marques de fabrique de son règne. En juin encore, elle était la grande artisane des objectifs ambitieux de réduction des gaz à effets de serre adoptés par le G7 qu'elle présidait.
Mais elle se retrouve aussi en porte-à-faux, pour avoir constamment défendu les intérêts de son industrie automobile et repoussé la mise en place des limites d'émissions européennes.
Désormais, "les autres pays vont sourire (...). Si la plus grosse entreprise allemande triche, que vaut la parole de la chancelière ?", s'interroge M. Dudenhöffer.
Les constructeurs allemands de leur côté avaient développé tout un discours autour de leurs "diesels propres", les moteurs au coeur du scandale Volkswagen.
La polémique "ne touche actuellement qu'une entreprise, et envisager qu'elle concerne un secteur, une industrie entière ou l'économie allemande dans son ensemble n'est que pure spéculation", tempère auprès de l'AFP la fédération de l'industrie allemande BDI.
Daimler a immédiatement pris ses distances, en précisant n'être visé par aucune enquête. Une précaution qui n'empêche pas l'ensemble des valeurs automobiles de chuter à la Bourse de Francfort, entraînées par la nouvelle dégringolade de l'action Volkswagen. Elle a perdu 35% en deux jours, du jamais-vu.