L'érosion du marché des tour-opérateurs français s'est poursuivie en 2016, les effets post-attentats leur imposant des contraintes logistiques toujours plus grandes, sur fond de rude concurrence avec internet.
C'est sur un volume d'affaires en recul de 2% pour leur coeur de métier, les voyages à forfait (vol + hébergement), que les tour-opérateurs ont bouclé leur exercice annuel.
Ils ont transporté sur ce segment 3,7 millions de clients, soit 4% de moins que l'an dernier, selon le bilan communiqué jeudi par le syndicat des tour-opérateurs (Seto) réuni en congrès à Deauville.
"L'exercice a été largement impacté par une série d'événements en France et à l'étranger d'ordre sécuritaire mais aussi sanitaire avec le (virus) zika, sans oublier les tensions migratoires, sur fond d'économie encore timorée", a résumé René-Marc Chikli, président du Seto qui regroupe plus de 70 entreprises.
Ont notamment pesé pour certains voyagistes les conséquences du report massif des flux touristiques vers des pays considérés comme "sûrs" - Espagne, Italie, Grèce, Portugal - aux dépens des pays arabes.
Les destinations d'Europe du sud et occidentale ont ainsi représenté 79% du trafic moyen-courrier cette année, "alors que c'était tout le contraire avant le printemps arabe", avec l'Afrique du nord alors beaucoup plus prisée, souligne M. Chikli.
Résultat: au mois d'août, au plus fort de la saison, "les capacités ont cruellement manqué" particulièrement en Espagne et aux Canaries, avec des voyagistes ne réussissant pas toujours à trouver des chambres d'hôtel pour répondre aux très fortes demandes de clients.
"Il est extrêmement difficile pour un tour-opérateur, du jour au lendemain, de remodeler complètement son modèle économique et d'arriver sur des destinations où il n'était pas ou peu présent, surtout avec des hôteliers déjà très sollicités" et qui en profitent pour augmenter leurs prix, souligne M. Chikli.
L'Espagne est de plus un pays où les tour-opérateurs allemands sont historiquement implantés, et où certains voyagistes français peinent à se faire une place.
"Notre avantage est en effet de ne pas avoir de difficulté pour accéder aux stocks (de chambres)", reconnaît Pascal de Izaguirre, président de TUI France, premier opérateur dans l'Hexagone et filiale du géant allemand TUI.
- Perspectives positives pour l'hiver -
D'un point de vue plus général, "le marché français manque de destinations, la carte des possibilités s'est réduite et certains pays délaissés comme la Tunisie ou la Turquie ne sont tout simplement pas substituables en termes de prix bas", résume M. de Izaguirre à l'AFP.
Et c'est sans compter le problème plus global de la concurrence qui explose sur le marché du tourisme: "il y a aujourd'hui mille moyens d'accéder au voyage", souligne-t-il, avec les exemples récents d'Airbnb qui s'est mis à vendre des services comme une agence de voyage, ou la compagnie aérienne Ryanair (LON:RYA) qui propose depuis peu la vente de voyages à forfait.
"Au-delà de l'impact des attentats de novembre 2015 à Paris puis de juillet 2016 à Nice, il y a d'autres problèmes structurels qui pèsent sur l'activité des tour-opérateurs, comme la concurrence des voyages sans intermédiaire", renchérit Jean-François Rial, PDG de Voyageurs du Monde.
Sur ce point, le président du Seto a indiqué jeudi que les travaux avançaient sur la mise au point d'une "charte d'engagement" des tour-opérateurs pour valoriser les avantages offerts aux clients - remboursement, assurance, rapatriement - et lutter contre la tendance montante des internautes à se passer de voyagiste pour organiser leurs vacances.
Les tour-opérateurs espèrent cependant redresser la barre cet hiver, l'avancement des prises de commandes étant à ce jour "très positif, avec une hausse de 7,5% en trafic", indique le Seto.
Sont notamment prisées les Caraïbes, l'Asie, l'Océan indien "mais aussi pour l'Afrique du nord, avec +4%", tient à souligner le syndicat des tour-opérateurs.