Le conseil d'administration de Thales, censé entériner lundi la succession de son PDG Jean-Bernard Lévy, a été annulé en raison d'un désaccord entre l'Etat et Dassault sur l'équilibre des voix au sein de cette instance de gestion.
Ce rebondissement intervient alors que pendant le week-end, les deux actionnaires s'étaient mis d'accord pour confier la présidence de l'entreprise à Henri Proglio et la direction opérationnelle à Patrice Caine, qui était de facto le numéro deux de Thales (électronique de défense et de l'aérospatial).
Ouvrant une nouvelle période d'incertitude pour l'électronicien de défense, ce conseil d'administration, qui était prévu en fin d'après-midi lundi, a été reporté à une date non déterminée, ont indiqué à l'AFP deux sources sous couvert d'anonymat.
Il pourrait en fait se tenir mardi matin, ajoute-t-on.
Jusqu'à présent le PDG était nommé par l'Etat, mais la dissociation de la fonction pose la question de savoir qui de l'Etat ou de Dassault va nommer le président et le directeur général, selon une troisième source.
L'entreprise n'avait plus de patron depuis la fin octobre et la nomination inattendue de son PDG, Jean-Bernard Lévy, à la présidence d'EDF sans que sa succession ait été réglée au préalable.
La nomination de deux personnes pour en remplacer une seule modifie l'équilibre du conseil d'administration et le quota attribué à chacun, selon la troisième source. L'Etat et Dassault ne se sont pas mis d'accord à ce sujet, d'où le report de lundi, selon elle.
De source proche du dossier samedi, Henri Proglio, considéré comme proche de Dassault et qui avait perdu sa place à la tête d'EDF au profit de M. Lévy, s'était vu attribuer un lot de consolation avec la présidence de Thales, mais celle-ci devait être "non exécutive".
- Compte à rebours -
M. Caine, un ingénieur X-Mines de 44 ans, était jusqu'ici notamment chargé de la mise en oeuvre du programme d'amélioration de la compétivité du groupe. Il passait pour le candidat de l'Etat, alors que son principal concurrent en interne, Pierre Eric Pommellet, 50 ans, était crédité du soutien de Dassault.
L'Etat possède 26% du capital de Thales et Dassault 25%. Les deux actionnaires sont liés par un pacte et rien ne peut se faire dans le groupe sans leur aval. Ils s'étaient entendus sur la nomination en novembre d'un PDG intérimaire, Philippe Logak, jusqu'alors secrétaire général de Thales.
Le temps presse pour tourner la page de ces nouvelles péripéties, car en vertu du pacte d'actionnaires l'Etat et Dassault ont trois mois après le départ de M. Lévy, soit d'ici à fin janvier, pour se mettre d'accord sur la composition du conseil d'administration.
Contactés par l'AFP pour une confirmation ou un commentaire, ni Dassault, ni le ministère de l'Economie n'ont souhaité réagir.
La nomination de M. Caine pouvait être vue comme une façon de rassurer en interne, alors que le groupe est en plein déploiement de sa stratégie de développement et d'internationalisation. Au côté de M. Lévy, M. Caine disposait du plus gros portefeuille d'activité après celui du PDG, les opérations mais aussi et surtout le programme "Ambition Boost" destiné à rehausser la rentabilité de l'entreprise.
Les syndicats mais également l'Apat, l'association des salariés actionnaires de Thales, avaient en effet réclamé que le nouveau patron soit issu du groupe, afin d'assurer la continuité et de garantir sa stabilité.
Si le groupe est peu connu du grand public, Thales est une composante essentielle de la souveraineté française. Employant 65.000 salariés, le groupe a dégagé l'an dernier un profit de 644 millions d'euros sur des ventes de 14,2 milliards d'euros.
L'annonce de lundi matin a pesé sur le cours de Thales à la Bourse de Paris, sans toutefois provoquer de panique des investisseurs. Après avoir abandonné jusqu'à 1,4% dans la matinée, le titre était en recul de 0,8% à 13h15 (12h15 GMT).