Investing.com - Les marchés européens restent mitigés jeudi à la mi-séance -Ibex 35, CAC 40, DAX... - car les investisseurs continuent d'attendre d'importantes données macroéconomiques reflétant l'état de l'économie. Parmi elles, l'IPC de la zone euro pour le mois d'août, qui reste élevé à 5,3%.
Dans ce contexte, Gilles Moëc, économiste en chef chez AXA (EPA :AXAF) Investment Managers, évalue les différentes situations dans lesquelles se trouvent l'Europe et les Etats-Unis.
Les Etats-Unis ne pourraient pas être plus éloignés d'une situation de "super-cycle de la dette". Au contraire, l'absence de levier excessif dans le secteur privé avant que la Fed ne se lance dans sa course à l'endettement est l'une des principales raisons pour lesquelles, du moins jusqu'à présent, le resserrement des conditions monétaires n'a pas eu d'impact négatif massif sur l'économie américaine, même si cela ne signifie pas que tout va bien dans ce pays. Dans une large mesure, le problème actuel aux États-Unis est que la croissance est encore "trop rapide" pour qu'il soit évident que la "dernière ligne droite" de la désinflation, le retour à 2 %, est probable sans un nouveau resserrement monétaire, ou du moins en maintenant le niveau actuel de resserrement plus longtemps que ce que le marché prévoyait jusqu'à récemment", souligne M. Moëc.
"L'un des arguments les plus importants de Powell est son insistance sur la nécessité de maintenir les conditions monétaires serrées pendant une période prolongée, jusqu'à ce que la Fed soit convaincue d'avoir brisé les reins de l'inflation. Les investisseurs pensent désormais que, même s'ils ne doutent pas de la détermination de la Fed à maîtriser l'inflation, cela impliquera des taux d'intérêt durablement plus élevés, étant donné l'émergence de forces inflationnistes structurelles. Et le resserrement des conditions financières induit par le marché pourrait contribuer à la volonté de la Fed de ne pas relever ses taux en septembre", ajoute-t-il.
La double peine de l'Europe
Comme l'explique M. Moëc, "la zone euro se trouve dans une situation particulière : il est difficile d'affirmer qu'un "supercycle de la dette" est en cours, compte tenu de l'assainissement des bilans observé dans la périphérie après la crise souveraine et de la persistance d'un modèle de financement sobre dans des pays clés comme l'Allemagne.Mais le marché du travail résiste également et les salaires s'accélèrent fortement, du moins dans certains États membres, ce qui rend la BCE nerveuse et soulève des questions quant à la trajectoire future de la politique monétaire. Cependant, alors qu'aux États-Unis les fortes augmentations de salaires ont servi de tampon contre un ralentissement économique brutal, dans la zone euro, les données sont plus inquiétantes".
"La nouvelle baisse de l'indice PMI allemand et des enquêtes Ifo en août confirme que l'Allemagne a encore du mal à sortir de la récession/stagnation des trois derniers trimestres. Le niveau actuel de ces deux indicateurs est compatible avec une contraction du PIB au troisième trimestre", déclare M. Moëc.
"Dans ce cas, la sensibilité spécifique au cycle manufacturier mondial - et en particulier à la faible traction de la Chine - peut être une bonne explication de la mauvaise performance, mais des questions plus structurelles peuvent également jouer un rôle, avec un déclin de la compétitivité dans des secteurs clés tels que l'industrie automobile. Ce qui est plus nouveau - et donc probablement plus inquiétant - c'est que des pays qui s'en sortaient jusqu'à présent relativement bien souffrent également. Le PIB français a surpris à la hausse au deuxième trimestre, avec une augmentation de 0,5 % en glissement trimestriel. Le dernier indice PMI, nettement inférieur au niveau d'expansion, confirme l'idée que cette résilience printanière était due en grande partie à des facteurs ponctuels", ajoute-t-il.
"La zone euro pourrait être confrontée à un double problème : son modèle de croissance est davantage axé sur l'extérieur, elle est plus sensible que les États-Unis au ralentissement de la demande chinoise et, compte tenu de la forte corrélation du marché obligataire transatlantique, elle importe également davantage de pressions à la hausse sur les taux d'intérêt en provenance des États-Unis, ce qui exacerbe l'impact du resserrement de la BCE", prévient M. Moëc.
"Cette combinaison de taux d'intérêt plus élevés et de faible dynamisme économique rend l'équation budgétaire européenne encore plus difficile. La contribution "exceptionnelle" prévue par l'Italie pour les bénéfices des banques a dû être rapidement réduite face à la réaction du marché, mais pour nous, elle est symptomatique d'un malaise plus général dans de nombreuses économies de la zone euro : les gouvernements tentent de trouver un équilibre entre la nécessité de commencer leur assainissement financier et le risque de freiner davantage la demande intérieure, et cherchent des solutions apparemment "indolores" pour remplir leurs coffres.Nous restons convaincus que les hausses d'impôts sont la solution de facilité pour la politique fiscale européenne dans les années à venir", conclut l'économiste en chef d'AXA IM.