par Chine Labbé
PARIS (Reuters) - L'avocat de l'émir présumé du groupuscule islamiste Forsane Alizza, dissous en mars 2012 par décret gouvernemental, a assuré lundi que son client ne préparait aucun attentat, et dit craindre une "confusion médiatique", cinq mois après les attentats djihadistes qui ont fait 17 morts en France.
Mohamed Achamlane, 37 ans, créateur de Forsane Alizza --"Les cavaliers de la fierté" en arabe--, est poursuivi devant le tribunal correctionnel de Paris aux côtés de treize anciens membres du groupe, pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste et détention illégale d'armes.
Un quinzième prévenu, mineur au moment des faits, comparaîtra devant un tribunal pour enfants.
Mohamed Achamlane est soupçonné d'avoir cherché des cibles potentielles d'attaques parmi des "ennemis de l'islam".
Des soupçons matérialisés par la saisie de nombreuses armes en perquisition et l'organisation d'entraînements physiques au caractère "très connoté", selon l'accusation.
"Mon client a toujours assumé une certaine radicalité (...) (Mais il) ne préparait pas d'attentat", a déclaré avant l'audience son avocat, Me Bérenger Tourné.
"On craint un certain a priori et une certaine confusion médiatique", après les attentats de janvier, a-t-il ajouté.
Selon lui, "on se contente de la propagande diffusée sur le site de Forsane Alizza --qu'il qualifie de "groupement prosélyte, politique, qui visait à combattre l'islamophobie"-- pour postuler de sa dangerosité."
HYPERCACHERS
Une liste de commerces juifs à Paris et en proche banlieue, parmi lesquels plusieurs Hypercachers, tristement célèbres depuis l'attentat qui a fait quatre morts le 9 janvier porte de Vincennes, a été découverte sur un fichier intitulé "cibles" appartenant au leader présumé du groupe, qui tenait des réunions hebdomadaires sur internet.
D'après son avocat, Mohamed Achamlane a téléchargé cette liste en 2009 sur un site internet se revendiquant de la campagne de boycott et de désinvestissement en Israël. "On en fait une mauvaise mayonnaise depuis les événements tragiques de janvier", a-t-il estimé.
Mohamed Achamlane aurait également évoqué devant plusieurs membres du groupe le journal Libération, auquel il reprochait d'avoir hébergé la rédaction de Charlie Hebdo, après l'incendie criminel qui a ravagé ses locaux en novembre 2011.
Il se serait aussi vanté d'être responsable d'un incendie déclenché à la veille de la publication, par l'hebdomadaire satirique dont la rédaction a été décimée en janvier, d'un numéro renommé "Charia Hebdo".
Devant les enquêteurs, ce père de quatre enfants, sans emploi, a démenti tout projet d'attaque violente.
"Il y a les paroles et il y a les actes", a souligné son avocat, estimant qu'aucune preuve tangible n'existait de la préparation d'un acte terroriste.
Mohamed Achamlane a reconnu aimer les armes et vouloir constituer une collection de kalachnikovs, mais neutralisées.
Le créateur de Forsane Alizza a déjà été condamné à plusieurs reprises, notamment pour port d'armes et violences volontaires.
Sur le banc des prévenus à ses côtés, une seule femme, de 25 ans. Originaire de Lille, elle corrigeait les fautes sur le site internet du groupe et identifiait des numéros de téléphone pour le compte de Mohamed Achamlane, d'après l'accusation.
Ce dernier, ainsi que plusieurs de ses "lieutenants" régionaux, ont été interpellé fin mars 2012, juste après les assassinats par Mohamed Merah de trois militaires ainsi que trois enfants et un enseignant d'une école juive de Toulouse.
Six prévenus sont écroués depuis leur interpellation, les autres comparaissent libres. Ils encourent jusqu'à dix ans de prison. Le jugement sera rendu le 10 juillet.
(Edité par Yves Clarisse)