Blanchi il y a un an par le gendarme de la Bourse, le directeur commercial d'Airbus, l'Américain John Leahy, est rattrapé par la justice qui l'a mis en examen pour "délits d'initiés" dans l'enquête sur le groupe européen d'aéronautique et de défense EADS.
M. Leahy, 60 ans, a été mis en examen début novembre pour "délits d'initiés" par le juge financier parisien Serge Tournaire, selon plusieurs sources proches du dossier. Il encourt deux ans de prison et une forte amende, proportionnelle au gain de la vente de ses actions.
Le directeur commercial d'Airbus a vendu 260.600 actions EADS issues de ses stock-options en novembre 2005 et mars 2006 et en a retiré environ 3,12 millions d'euros, selon un rapport de l'Autorité des marchés financiers (AMF), le "gendarme de la Bourse".
Membre du comité exécutif d'Airbus, M. Leahy est soupçonné par les juges d'avoir bénéficié d'informations privilégiées sur les perspectives financières d'Airbus, plus pessimistes en interne qu'elles ne l'étaient pour le marché, ainsi que sur des retards, notamment sur le programme du très gros porteur A380 et du long-courrier A350.
Joint par l'AFP, son avocat, Me Patrick Bernard, n'a pas souhaité faire de commentaire. John Leahy est directeur commercial d'Airbus depuis août 1994. Il était entré chez Airbus (Amérique du Nord) en janvier 1985. Né à New York en août 1950, il est marié et père de trois enfants.
"Nous ne faisons aucun commentaire", a déclaré à l'AFP une porte-parole d'EADS. "Cela ne change rien à l'emploi du temps de M. Leahy", a-t-on ajouté chez Airbus, précisant que M. Leahy serait présent à Toulouse lundi pour présenter les prévisions du marché mondial jusqu'en 2029.
Le juge a également mis en examen, il y a plusieurs semaines et pour le même chef, Erik Pillet, ancien directeur des ressources humaines d'Airbus, selon ces mêmes sources. Il a vendu pour sa part en novembre 2005 et mars 2006 quelque 50.400 actions qui lui ont rapporté plus de 540.000 euros.
Le juge d'instruction a également placé sous le statut de témoin assisté, un statut intermédiaire entre le témoin et le mis en examen, plusieurs anciens cadres de l'aéronautique, dont l'ancien directeur du programme A380 entre 2001 et 2006, Charles Champion.
Plusieurs mises en examen ont été prononcées dans ce dossier depuis deux ans, dont celle de l'ancien co-président d'EADS, Noël Forgeard, le directeur du site EADS à Dresde (Allemagne), Andreas Sperl, ou encore l'ancien président d'Airbus, Gustav Humbert.
Pour cette affaire, la justice semble avoir une approche différente de celle de l'AMF, qui avait blanchi en décembre 2009 l'ensemble des 17 dirigeants et anciens dirigeants du groupe aéronautique mis en cause dans ce dossier.
Le gendarme de la Bourse de Paris avait ainsi estimé que les 17 personnes soupçonnées, qui ont toujours clamé leur innocence, n'avaient pas utilisé d'information privilégiée pour s'enrichir indûment.
L'AMF avait également blanchi les trois sociétés mises en cause, dont EADS qui était soupçonné de ne pas avoir communiqué de façon satisfaisante au marché, ainsi que ses actionnaires privés, l'allemand Daimler et le français Lagardère.