Le groupe Eurotunnel, qui exploite le tunnel sous la Manche, s'est montré jeudi plus prudent quant à ses perspectives, en raison notamment de la crise des migrants, après avoir vu son bénéfice net s'envoler de 75% l'an dernier, soutenu par les changes.
Le résultat net, ressorti à 100 millions d'euros, prend en compte une perte de 7 millions d'euros de la compagnie maritime MyFerryLink, que le groupe a été contraint de céder le 9 juillet en raison de décisions de la justice britannique.
Outre un effet de change positif de 26 millions d'euros, Eurotunnel a bénéficié d'un moindre coût de sa dette par rapport à 2014. A taux de change constant, le résultat net affiche une progression de 35%.
Le groupe, qui visait un excédent brut d'exploitation (Ebitda) de 535 millions d'euros en 2015, a annoncé avoir dépassé ses objectifs, avec 542 millions.
Il se montre néanmoins plus prudent pour 2016, avec un objectif abaissé à 560 millions (contre 580 millions précédemment), compte tenu d'un risque possible d'attentat ou d'une nouvelle crise migratoire. Il table sur 605 millions d'euros pour 2017.
"L'Ebitda entre 2009 et aujourd'hui aura augmenté de 67%", a commenté Jacques Gounon, le PDG d'Eurotunnel, lors d'une conférence de presse téléphonique, qualifiant le montant du résultat net de chiffre "magique".
Le PDG a fait état d'une "flopée de records historiques" atteints en 2015: 1,48 million de camions ont été transportés par navettes ferroviaires, "du jamais vu" selon lui, tandis que la part de marché de l'activité voitures de ces navettes (52,6%) est également un "record".
Près de 10,4 millions de passagers ont emprunté les trains Eurostar, compagnie ferroviaire indépendante d'Eurotunnel, un chiffre stable par rapport à l'an dernier malgré le contexte de crise migratoire.
Plus globalement, les tentatives d'intrusion de migrants dans le tunnel sous la Manche, qui ont connu leur apogée entre juillet et octobre, n'ont pas affecté le trafic 2015 qui est "tout à fait bon", a assuré M. Gounon.
Environ 4.000 migrants vivent dans le bidonville surnommé la "Jungle" jouxtant la rocade menant au port de Calais.
"Quelles que soient les perturbations qu'on a connues cet été, ce problème a été réglé du fait de l'action conjointe de l'entreprise, de ses personnels et des Etats", a déclaré Jacques Gounon.
-Crise migratoire: des pertes "modestes"-
Il a évalué à 29 millions d'euros les pertes pour l'entreprise, "somme toute modestes", entraînées par cette crise. Une somme que le groupe réclame à la Commission intergouvernementale (CIG), instance franco-britannique chargée de la sécurité dans le tunnel sous la Manche.
"A partir du 23 octobre, avec tout ce qui a été fait par les gouvernements français et britannique, le site de Coquelles (entrée du tunnel côté français, NDLR) n'a plus connu aucune intrusion qui a perturbé le trafic", a déclaré le PDG d'Eurotunnel. Il a cité notamment le "financement de protections physiques (barrières infrarouges, caméras, débroussaillage, etc.) par le gouvernement britannique".
Le groupe avait déjà publié fin janvier un chiffre d'affaires de 1,2 milliard d'euros, en hausse de 5% sur un an.
Le résultat opérationnel s'établit, lui, à 387 millions d'euros, en hausse de 1,6% à taux de change constant.
Eurotunnel, qui a réalisé 77 millions d'euros d'investissements en 2015, compte par ailleurs investir entre 80 et 90 millions d'euros cette année.
Jacques Gounon a en revanche annoncé qu'Eurotunnel avait renoncé à entrer au capital du London City Airport, aéroport situé dans l'est de la capitale britannique, sans en préciser la raison.
Une augmentation de 22% du dividende, à 22 centimes d'euros par action, sera proposée lors de la prochaine assemblée générale des actionnaires, le 27 avril.
Le tunnel ferroviaire sous la Manche accueille des trains de voyageurs, de marchandises, et des navettes transportant des voitures et poids lourds.