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Fukushima: la justice appelée à juger trois ex-dirigeants de Tepco

Publié le 29/02/2016 13:38
Deux ex dirigeants de Tepco le président Tsunehisa Katsumata (g) et son vice-président Sakae Muto, lors d'une conférence de presse à Tokyo, le 30 mars 2011 (Photo KAZUHIRO NOGI. AFP)

Deux ex dirigeants de Tepco le président Tsunehisa Katsumata (g) et son vice-président Sakae Muto, lors d'une conférence de presse à Tokyo, le 30 mars 2011 (Photo KAZUHIRO NOGI. AFP)

Trois ex-dirigeants de la compagnie d'électricité Tepco vont être jugés sur plainte de citoyens japonais pour leur responsabilité dans la catastrophe de Fukushima en mars 2011, premier procès dans ce drame qui a traumatisé la nation.

L'ex-président du conseil d'administration du groupe Tokyo Electric Power (Tepco) au moment du drame, Tsunehisa Katsumata (75 ans), ainsi que deux vice-PDG, Sakae Muto (65 ans) et Ichiro Takekuro (69 ans), sont poursuivis pour négligence professionnelle ayant entraîné des décès et blessures, a-t-on appris auprès des avocats des plaignants.

"C'est la première fois que la justice va devoir se prononcer sur la culpabilité de quelqu'un dans la survenue de l'accident nucléaire de Fukushima", a souligné la chaîne de télévision publique NHK.

Cette étape intervient après une décision prise en juillet par un panel spécial de citoyens, selon une procédure complexe qui a duré des mois. Les trois ex-dirigeants sont accusés de ne pas avoir pris les dispositions qui auraient permis d'éviter les dégâts causés aux installations par le tsunami ainsi que les avaries en chaîne qui ont suivi.

Les citoyens considèrent les trois dirigeants de Tepco comme responsables de la mort de 44 malades âgés évacués d'un hôpital de Futaba, près de la centrale, dans des conditions déplorables, ainsi que des blessures causées à 13 autres personnes.

Un précédent avis de la justice nippone avait estimé, en janvier 2015, "que les preuves n'étaient pas suffisantes pour conclure que les trois personnes visées auraient pu prévoir ou éviter" l'accident, mais les plaignants ont finalement eu gain de cause après une bataille judiciaire de longue haleine.

- 'Camouflages' -

Ruiko Muto, présidente d'une association citoyenne qui a œuvré pour aboutir à ce procès à venir, a évoqué lundi en conférence de presse à Tokyo "le soulagement d'en arriver enfin à la possibilité de questionner la responsabilité pénale pour un accident nucléaire à l'origine d'un désastre qui empêche des dizaines de milliers d'évacués de retourner chez eux". Elle dit vouloir croire à un verdict de culpabilité, jugeant "étrange que personne n'ait pris la responsabilité de cet accident".

"Le rôle de l'Etat doit aussi être questionné, de même que celui de l'autorité de régulation nucléaire à l'époque", estime l'avocat Yuichi Kaido qui pense que le procès permettra d'établir des vérités dans une "affaire de camouflages".

Officiellement, personne n'est mort du fait des radiations dégagées de la centrale de Fukushima, mais les autorités reconnaissent elles-mêmes que plusieurs centaines de riverains de la côte Pacifique et/ou des installations nucléaires sont décédés ultérieurement des suites de la triple catastrophe, du fait d'une évacuation dans la douleur ou de la dégradation de leurs conditions de vie.

Cinq ans après le drame et alors que Tepco vient d'avouer en avoir minimisé la gravité dans les premiers jours, les trois ex-responsables de la compagnie vont plaider non-coupables, selon la chaîne NHK, chacun avec des arguments censés écarter leur connaissance préalable des risques de survenue d'un tsunami de l'ampleur de celui du 11 mars 2011.

Une étude interne de 2008 révélée ultérieurement évoquait l'hypothèse d'un tsunami d'environ 15,7 mètres, "mais la diffusion de ce rapport s'est arrêtée à la direction de la division nucléaire et il n'est pas remonté jusqu'à moi", a assuré l'ancien président de l'entreprise, Tsunehisa Katsumata, plusieurs fois interrogé à ce propos.

"Ce document ne présentait que des calculs de probabilités, pas de dispositions concrètes", a justifié de son côté M. Takekuro. Quant à M. Muto, il s'est défaussé en affirmant qu'il pensait "les dispositions de sûreté prises sur la base des critères découlant de discussions entre experts".

Les militants et les habitants qui vivaient près de la centrale en péril avaient appelé les autorités à inculper une trentaine de responsables de Tepco, mais aucun n'avait été poursuivi jusqu'à ce jour.

Le procès des trois personnalités renvoyées devant les juges risque d'être long et pourrait ne débuter qu'en 2017, compte tenu du nombre de documents à réunir.

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