L'ambitieux programme de construction de lignes ferroviaires à grande vitesse du gouvernement laisse élus et professionnels perplexes, alors que les caisses sont vides et que le réseau classique montre des signes d'essouflement.
Pour offrir des alternatives à la route et à l'avion, le Grenelle de l'environnement a prévu le lancement de 2.000 km de lignes à grande vitesse (LGV) d’ici 2020, puis de 2.500 km supplémentaires dans les années suivantes.
Le projet de Schéma national des infrastructures de transport (Snit), publié fin janvier, confirme ce choix. Il envisage plus d'une centaine de milliards d'euros d'investissements.
Mais s'il a même ajouté quelques projets à une liste déjà longue, le Snit reste très discret sur les questions d'argent.
"Je pense que c'est finançable", assure la nouvelle ministre de l'Ecologie, Nathalie Kosciusko-Morizet.
"Regardez comment on fait sur le Paris-Strasbourg, on y arrive. (...) On demande des participations aux collectivités territoriales, parce que ça leur permet, à elles, de se développer. C'est du partenariat bien compris", affirme-t-elle.
Mais l'exemple de la ligne Tours-Bordeaux donne à réfléchir. Le financement de ce projet de 7,8 milliards d'euros n'est toujours pas bouclé, après des mois de négociations.
Les collectivités locales commencent à dire de plus en plus fort qu'elles ne pourront pas suivre, tandis qu'un appel au privé pour compléter ne va pas forcément de soi pour cause de menace d'une forte hausse du prix des billets.
Quant à Réseau ferré de France (RFF), le gestionnaire public des voies ferrées françaises, il ne peut plus s'endetter que si les investissements sont vraiment rentables. Ce qui ne semble pas le cas de bon nombre de projets...
Du coup, on commence à entendre ici et là qu'une bonne partie des projets du Snit ne seront jamais réalisés.
Le maire de Marseille, Jean-Claude Gaudin (UMP), a par exemple glissé qu'"il n'y aura peut-être jamais (...) de LGV" entre Marseille, Toulon et Nice (un projet d'au moins 15 milliards d'euros).
Et le débat a pris une nouvelle tournure avec l'avalanche d'incidents qui a perturbé les trains au début de l'hiver. Elle a montré qu'une bonne partie du réseau est en piteux état.
"Ce programme de LGV, c'est comme si on construisait de nouvelles ailes à un château dont on n'aurait pas les moyens de refaire les toitures", note un haut dirigeant de la SNCF.
Un de ses collègues ose une comparaison avec une certaine "aristocratie décadente", ce qui n'empêche pas l'entreprise publique --qui ne paie plus la construction des lignes-- de plaider pour de nouvelles infrastructures dans des réunions sur le terrain.
Le député UMP de la Drôme Hervé Mariton a expliqué à l'AFP qu'il comptait obtenir une réduction des ambitions du Snit, dans lequel "il y a un trop grand linéaire de lignes nouvelles".
Officiellement, le gouvernement veut à la fois construire des LGV et rénover le réseau.
"Qui serions-nous si nous laissions aux générations futures quelques milliers de kilomètres de ligne à grande vitesse, et, à côté, 30.000 km de voies non entretenues à reconstruire?", a ainsi plaidé lundi le Premier ministre François Fillon, sur le chantier de la LGV Rhin-Rhône.
Mais en l'état actuel des choses, RFF n'a pas les moyens de maintenir le réseau existant, ses revenus n'atteignant que 83% de la somme nécessaire.
D'où la remise en cause du choix du TGV par certains élus.
"On ne mettra pas de LGV partout. Or, en ce moment, il n'y a pas de solution alternative. Or, c'est la solution alternative, qui nous intéresse!", lance le député-maire PS de Caen, Philippe Duron.
Il imagine des trains plus rapides que les bons vieux Corail, qui ne seraient pas des TGV mais seraient moins chers et peut-être plus réalistes.