L'économiste français Thomas Piketty a regretté l'incapacité de la France à renégocier en profondeur en 2012 le traité de stabilité budgétaire européen, y voyant un comportement "égoïste" du gouvernement français.
La France a raté le coche en 2012 lors de l'arrivée à l'Elysée de François Hollande, a dit M. Piketty dans un entretien accordé à l'AFP à l'occasion de la sortie de son livre "Aux urnes citoyens!", aux éditions Les Liens qui libèrent (LLL).
"C'est dommage parce que l'Italie, l'Espagne et d'autres pays de la zone euro, attendaient la France" à ce moment-là. Or, elle a eu un comportement "égoïste", dénonce-t-il.
M. Hollande avait promis, lors de la campagne pour l'élection présidentielle, de renégocier ce texte voulu par l'Allemagne et par son prédécesseur à l'Elysée, Nicolas Sarkozy. Il s'était rallié à ce texte visant à renforcer la discipline budgétaire dans la zone euro après l'ajout d'un volet "croissance" de 120 milliards d'euros.
La France "s'est dit qu'elle était du bon côté de la barrière avec des taux d'intérêts très bas, proches de 0% comme l'Allemagne. Et tant pis pour l'Italie et l'Espagne", relate l'économiste. "Sauf que c'est un choix égoïste pour lesquels il y a une responsabilité historique très forte des dirigeants français et allemands", prévient-il.
Il dénonce les règles "absurdes" du Pacte de stabilité, ses "règles automatiques trop rigides", comme le 3% de déficit public, "qui ont contourné la démocratie et cassé la croissance en 2012-2013".
Il qualifie de "grande erreur" de la part de l'Allemagne, "soutenue par la France", "d'avoir humilié Syriza et Alexis Tsipras en Grèce l'an dernier pour éviter qu'ils fassent des émules", ailleurs en Europe, notamment en Espagne où Podemos gagnait du terrain à ce moment-là.
"Oui, ça a marché: l'Espagne est aujourd'hui ingouvernable", ironise M. Piketty, regrettant que les propositions de gauche aient été ainsi "balayées".
Dans cette situation, M. Piketty, qui se déclare partisan de l'euro, plaide pour une Europe plus démocratique. "Je suis persuadé que l'on aurait eu moins d'austérité, plus de croissance et moins de chômage, si on avait eu une démocratisation de la zone euro plus tôt", assure-t-il.
"Souvent, on dit que les dirigeants ne sont pas à la hauteur, mais le problème c'est que ce sont les institutions qui sont mauvaises", dit-il, proposant notamment un parlement européen avec une représentation basée sur la population de chaque pays.
L'Allemagne aurait alors 27% de députés, qui ne seraient pas tous partisans de la politique économique d'Angela Merkel et de son "dogmatique" ministre des Finances, Wolfgang Schäuble. Pour l'économiste, les autres pays pourraient prendre alors des décisions à la majorité simple.