Le géant américain de l'alimentation Kraft, ayant à peine digéré les biscuits Lu et les chocolats Cadbury, va se scinder pour séparer les gourmandises qui s'achètent sur un coup de tête des produits d'épicerie plus classiques.
"Le conseil d'administration veut créer deux sociétés cotées indépendantes: les snacks à l'échelle mondiale, à forte croissance, et une activité d'épicerie nord-américaine à fortes marges", a indiqué le groupe.
Géant de la Bourse new-yorkaise, membre de l'indice vedette Dow Jones, Kraft Foods, un groupe qui réalise plus de 50 milliards de dollars de chiffre d'affaires annuel, renonce donc au gigantisme par souci de cohérence de ses différentes activités.
"Nous avons bâti deux portefeuilles solides, mais distincts", a relevé la PDG Irene Rosenfeld, expliquant en substance que sa stratégie d'acquisitions, qui a été critiquée notamment par son actionnaire le plus respecté, Warren Buffett, avait donné à son groupe l'ampleur nécessaire pour donner lieu à deux entités viables séparément.
Kraft se présente aujourd'hui comme "le leader mondial des snacks", avec des marques comme Lu et Cadbury, mais aussi les chewing-gums Trident ou les chocolats Milka.
Cette activité représente un chiffre d'affaires annuel d'environ 32 milliards de dollars. "C'est une plate-forme de consommation instantanée", et d'"achats impulsifs", a souligné Mme Rosenfeld.
L'autre pôle du groupe est centré autour de produits des rayons frais, comme le fromage à tartiner Philadelphia et les saucisses Oscar Mayer, avec un chiffre d'affaires de 16 milliards de dollars, majoritairement réalisé en Amérique du Nord.
"Chaque activité pourra se concentrer sur ses propres occasions stratégiques", a ajouté Mme Rosenfeld, expliquant que dès l'offre sur Cadbury, lancée il y a près de deux ans, "il était clair que nous avions des activités différentes, et nous pensions que de la valeur pourrait être dégagée en créant ces deux sociétés", qui d'ailleurs "ne partagent pas beaucoup de fonctions administratives".
Le marché, satisfait par ailleurs de résultats trimestriels supérieurs aux attentes, a salué cette stratégie de scission: l'action prenait 2,94% à 35,31 dollars vers 15h00 GMT.
Warren Buffett lui-même a donné sa bénédiction à l'opération, selon la chaîne de télévision CNBC.
"La plainte qu'on entend le plus sur ce groupe c'est qu'il est trop gros et trop lent. Voilà la solution", estimait Robert Mosckow, analyste chez Credit Suisse.
"Les snacks mondiaux seront valorisés (fortement) en raison de leur fort profil de croissance avec 42% des ventes réalisées dans les pays émergents, et leur concentration sur des catégories pouvant être développées comme les biscuits et les chewing-gums. L'Amérique du Nord aura une valorisation également correcte car elle a de fortes marges, de gros dividendes et de grandes réserves de réductions des coûts à exploiter", ajoutait-il.
"Après l'acquisition des gâteaux Lu de Danone fin 2007 et celle de Cadbury début 2010, le moteur de croissance de Kraft a été l'activité des snacks", expliquait Alexia Howard, de Bernstein Research. "Cela a fait de l'épicerie nord-américaine un composant mal assorti du portefeuille, même s'il génère beaucoup de liquidités".
Mme Rosenfeld a prévenu que l'opération prendrait "au moins douze mois", avec l'objectif de "lancer les deux sociétés avant la fin 2012".
Ces deux sociétés devraient partir d'un bon pied financier. Le bénéfice net du deuxième trimestre a progressé de 4%, à 976 millions de dollars. Par action et hors exceptionnels, le résultat est de 62 cents, au-delà des 58 cents attendus par les analystes. Le chiffre d'affaires a augmenté de 13,3% à 13,9 milliards de dollars.
Enfin le groupe a relevé ses prévisions annuelles, avec un bénéfice par action désormais attendu entre 2,20 et 2,25 dollars (contre 2,24 dollars attendus par les analystes).