EADS et le britannique BAE Systems devraient demander mercredi un délai supplémentaire pour négocier leur fusion, confortés par un compromis entre Paris et Londres pour limiter l'influence des Etats dans le futur groupe.
Un accord entre Etats reste suspendu à la position de l'Allemagne, qui ne l'a pas encore fait connaître, souligne-t-on de source proche des négociations.
D'après cette source, les avancées seraient suffisantes pour demander cette prolongation du délai accordé par le régulateur boursier britannique après l'annonce des négociations le 12 septembre.
Tom Enders et Ian King, les patrons des deux groupes, devaient décider dans la nuit de mardi à mercredi s'ils demandent ce délai ou s'ils jettent l'éponge.
La réglementation leur donne jusqu'à 16H00 GMT (18H00 à Paris) mercredi pour informer le régulateur et solliciter la prolongation.
"Nous avons appris que la France et la Grande-Bretagne avaient réalisé des progrès significatifs sur la question qui bloquait les négociations ces derniers jours", a déclaré un porte-parole d'EADS.
"Les positions se sont beaucoup rapprochées, a confirmé le ministre français de la Défense Jean-Yves Le Drian en marge d'une réunion de l'OTAN à Bruxelles. Est-ce qu'elles se sont suffisamment rapprochées pour que les entreprises considèrent que ca mérite un report ? C'est à elles de le dire".
D'après une source proche du dossier, "l'accord intervenu entre les deux pays limite à 18% la participation de la France et de l'Allemagne dans la structure combinée".
La France possède 15% du capital d'EADS et entend les conserver, ce qui lui donnera une participation de 9% dans la nouvelle structure. L'Allemagne a obtenu l'accord de ses partenaires pour monter elle aussi à 9% du capital.
La Grande-Bretagne ne veut pas entrer au capital et cherche à limiter le poids des Etats dans ce nouveau géant européen pour ne pas compromettre son accès au marché américain de la défense, le plus important au monde.
La France n'a pas voulu renoncer au droit d'acquérir à l'avenir davantage de parts, même si l'état de ses finances ne lui en donne pas les moyens. Si l'Allemagne exerce son droit à monter à 9% du capital, le plafond sera atteint, empêchant ainsi la France d'accroître sa participation.
"Les intérêts de la France et les intérêts de l'Europe"
Les deux groupes ont écarté les dernières informations de la presse allemande sur un échec du projet. "Nous ne commentons pas les spéculations et quand nous aurons quelque chose à annoncer, nous l'annoncerons au marché", a déclaré un porte-parole de BAE.
La maison mère de l'avionneur Airbus et le premier industriel européen de la défense ont confirmé le 12 septembre qu'ils étaient en pourparlers pour former une structure qui dépasserait de loin l'américain Boeing.
Depuis, les deux groupes ont fait face au scepticisme des marchés, à l'inquiétude de leurs actionnaires et aux réserves des gouvernements qui doivent approuver le rapprochement.
La Grande-Bretagne dispose d'une action spécifique au capital de BAE Systems lui donnant un droit de veto sur les décisions stratégiques. La France et l'Allemagne exercent un contrôle sur EADS, grâce à un pacte d'actionnaires conclu à la création du groupe en 2000.
Londres se contente de l'action spécifique proposée aux trois capitales, qui leur permettra de s'assurer que l'entreprise combinée reste européenne et d'empêcher toute prise de participation hostile.
"Nous avons la conscience d'avoir défendu, bien, complètement, les intérêts de la France et les intérêts de l'Europe dans cette fusion compliquée", a déclaré à l'Assemblée nationale le ministre français de l'Economie et des Finances, Pierre Moscovici.
Le titre EADS a clôturé en baisse de 0,57% à la bourse de Paris mardi. Elle a perdu 12% depuis que le projet de fusion a été révélé par l'agence financière Bloomberg.